Mi-novembre, le Dr M-F. généraliste à Angerville-la-Martel (Seine-Maritime), est mis en examen pour administration de substance nuisible ayant entraîné la mort sans intention de la donner sur personnes vulnérables. Cinq personnes âgées suivies à domicile sont décédées après l'utilisation de l'Hypnovel (midazolam), une molécule réservée à l'usage hospitalier.
Aujourd'hui, le président de l'Union régionale des médecins libéraux (URML) de Normandie, le Dr Antoine Leveneur, a choisi de monter au front pour défendre son confrère. Dans une lettre adressée à Agnès Buzyn, il dénonce la difficulté des libéraux à accompagner certains patients en fin de vie et demande d'assouplir la réglementation concernant la délivrance du midazolam. Entretien.
LE QUOTIDIEN : Que pensez-vous de la mise en examen de votre confrère ?
Dr ANTOINE LEVENEUR : Il y a une très grande incrédulité sur cette mise en examen et sur l'interdiction d'exercice de notre confrère. L'affaire suscite aussi de l'émotion dans la population locale qui lance des pétitions de soutien. Le Dr M-F. a une grande patientèle – 2 700 patients – sur un territoire difficile en termes de démographie médicale. C'est un médecin très apprécié et reconnu par ses pairs libéraux et hospitaliers. Il s'est formé à la fin de vie et aux soins palliatifs à domicile.
Pour respecter la fin de vie et la prendre en charge du mieux possible à la fois psychologiquement, psychiquement, et physiquement, il nous manque une molécule en ville, l'Hypnovel (midazolam), qui est réservé aux établissements. Cette affaire met donc le doigt sur une pratique qui, certes, détourne la réglementation mais qui reste courante. C'est un bon bras de levier pour faire bouger les lignes.
Quelles sont les options pour un médecin traitant, impliqué dans les soins palliatifs à domicile ?
Pour prendre en charge efficacement un patient en fin de vie à domicile, un praticien a la possibilité de le transférer en milieu hospitalier ce qui est un non-sens. Il faut demander une ambulance, l'emmener aux urgences ou aux services hospitaliers du coin, ça me paraît surréaliste et ça ne fait pas partie des bonnes pratiques !
Deuxièmement, il y a la possibilité d'inclure le patient dans la procédure d'hospitalisation à domicile, en HAD, où il peut bénéficier de l'Hypnovel. Mais les services d'HAD sont très hétérogènes sur les territoires. Certains sont très bons, d'autres moins performants. Le Dr M-F. a évalué la situation et considéré que le recours le plus pertinent, c'était lui, avec ses infirmières libérales qu'il connaît, et qui sont précisément formées à la fin de vie.
Peut-on parler d'euthanasie à domicile ?
On est très loin de l'euthanasie à domicile ! On est dans le respect de la loi Leonetti. Mais, il y a un problème de réglementation qui aboutit à des cas de conscience. Ces médicaments hospitaliers ne sont pas à usage "de ville". Il faut revoir ça. À l'URML, on met les pieds dans le plat. Il faut donner la possibilité aux médecins de ville d'avoir accès à l'Hypnovel, dans un cadre précis, afin que le médecin traitant puisse l'utiliser dans certaines circonstances, avec l'accord de la famille.
Nous sommes un certain nombre en Normandie, ou dans d'autres régions, à utiliser l'Hypnovel obtenu par des moyens détournés via nos contacts hospitaliers ou de services d'HAD puisque la réglementation actuelle ne le permet pas. Cela est fait en bonne intelligence.
Dans votre lettre à Agnès Buzyn, vous dénoncez une « inacceptable orchestration de la communication sur un sujet si sensible ». Y a-t-il un abus de pouvoir de la part de la justice ? Qu'attendez-vous de la ministre ?
Cette histoire nous a ébranlés. Je m'interroge sur la motivation d'interdiction d'exercice de la part du procureur. Il n'y a aucune plainte de patient ou de famille de patients. Les corps des patients [décédés entre 2015 et 2019] ont été exhumés sur plusieurs années. Pourquoi l'histoire arrive-t-elle brutalement ?
Quand on voit que la justice interdit l'accès aux soins sur un territoire… On espère que notre mobilisation permettra au procureur de prendre la mesure de cette affaire. Ça me paraît démesuré. Notre première motivation reste de réfléchir à l'adaptation de la réglementation.
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