AU MOMENT où s’ouvrait, à Nuremberg, le congrès annuel des médecins allemands, l’union des caisses maladie allemandes tenait une conférence de presse à Berlin pour présenter une étude « irréfutable » censée accréditer la corruption de nombre de praticiens allemands. Selon cette étude, près d’un médecin sur cinq, et une clinique sur quatre, recevrait ou proposerait des pots-de-vin pour hospitaliser des patients dans tel ou tel établissement, les « cadeaux » entre professionnels de santé étant par ailleurs extrêmement fréquents.
Pour les médecins, cette étude est la goutte d’eau qui fait déborder le vase… de relations déjà extrêmement tendues entre le corps médical et les caisses. Réalisée par un centre de lutte contre la corruption dépendant de l’université de Halle, l’étude s’appuie sur 1 200 entretiens téléphoniques effectués auprès de médecins et de cliniques. Près de 20 % des praticiens, donc, reconnaissent que ces pratiques (pots-de-vin, cadeaux) existent, et ils disent ignorer leur caractère délictueux. De même, nombre de cliniques avouent faire des cadeaux aux médecins – mais aucun fait ni nom précis n’est cité dans cette enquête controversée.
Au bout du compte, le « scoop » des caisses se dégonfle assez rapidement d’autant que les affaires de ce genre réellement traitées par la justice sont très peu nombreuses. L’Allemagne dispose depuis plus de trente ans d’une « loi anti-cadeaux » sévère, encore durcie il y a cinq ans. « Si nous étions vraiment tous des délinquants, nous serions nombreux à être condamnés », s’indigne le président de l’Ordre, le Dr Montgomery, en dénonçant le « populisme sensationnel » de ces chiffres.
Durcir les contrôles.
Outre-Rhin, ce genre d’affaires empoisonne les relations entre les médecins et les caisses, la complexité administrative du système de santé ne facilitant pas les choses. La nomenclature allemande des actes médicaux comporte quelque… 3 000 tarifs. Le système des enveloppes globales fait que les transferts d’un patient vers un autre médecin ou une clinique peuvent s’accompagner de transferts financiers. Des mouvements parfois pris pour des cadeaux par des observateurs peu avertis. Les caisses estiment néanmoins qu’il faut encore durcir le système de contrôles. Elles soutiennent la mise en place, réclamée par l’opposition sociale-démocrate, de « procureurs anti-corruption » spécialement chargés des professionnels de santé. Mais les médecins considèrent que si ces inspecteurs peuvent vérifier leurs actes, c’en sera fini du secret médical et de la médecine libérale. La corruption supposée du système de santé (et les moyens de la combattre) constitue déjà un sujet des prochaines élections législatives, qui se dérouleront en 2013.
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