Face aux déserts médicaux, ni la carotte ni le bâton ne fonctionnent de manière isolée, selon une étude internationale

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Publié le 09/12/2021

Crédit photo : Phanie

Comment remédier à la pénurie médicale dans certaines zones géographiques  ? Parmi les quatre principaux leviers (incitations financières, formation, régulation à l'installation et soutien professionnel et personnel), aucun ne donne une entière satisfaction pris isolément, selon la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (Drees, ministère) qui a analysé une « littérature internationale abondante » sur l'expérience de pays étrangers. 

Résultats « décevants » pour les incitations financières

C'est notamment le cas des incitations financières (aides forfaitaires à l'installation, majoration de tarifs, primes, garanties de revenus, prise en charge de frais de scolarité, remboursement des prêts) mises en place pour corriger les déséquilibres géographiques. Cette solution isolément donne « plutôt des résultats décevants ».

La Drees cite les conclusions de dix études (trois au Canada, une en Nouvelle-Zélande et six aux États-Unis) montrant que si ces incitations « atteignent dans la majorité des cas leur but premier qui est de recruter des médecins dans ces zones », ces derniers ne sont pas susceptibles d'y rester plus longtemps que ceux qui s’installent volontairement dans une région rurale. Selon la Drees, ces avantages financiers ne suffisent donc pas, à eux seuls, à attirer et fidéliser des médecins dans des zones sous-médicalisées.

Formation ciblée, stratégie (parfois) payante

Augmenter les capacités de formation constitue-t-il en soi une solution efficace pour pallier les déséquilibres géographiques ? Ce raisonnement pratiqué dans les pays anglo-saxons, est là encore « contredit » par « la réalité des évolutions constatées ». Car, contrairement à l'autorégulation escomptée, « l’accroissement de l’offre médicale va de pair avec un creusement des écarts, les médecins continuant à affluer vers les spécialités attractives et vers les zones urbaines prospères ».

La Drees note que le levier qui semble le plus efficace consiste à « diversifier le recrutement dans les études de médecine », en favorisant les personnes issues des zones rurales ou des zones périurbaines. De fait, l'analyse des déterminants des choix d'installation montre que des facteurs « personnels » comme l'origine rurale du médecin, l'appartenance à une minorité ethnique (Noirs, Hispaniques aux États-Unis) ou ayant grandi dans des zones déshéritées pèsent dans les choix. Mais cela suppose des politiques volontaristes (Australie, États-Unis) avec des mesures comme la délocalisation du campus, la mise en place de quotas, la modification des critères de sélection ou la promotion des études dans les zones éloignées.

Contrainte à l'installation pas concluante

Sujet sensible en France, la régulation à l'installation libérale, une stratégie contraignante, est utilisée par un certain nombre de pays, selon des modalités variables. Cela consiste à contraindre certaines catégories (médecins à diplôme étranger, nouveaux praticiens) à exercer pendant une certaine durée dans les zones déficitaires avant installation ou à limiter l'implantation dans les zones dites surdotées pour les médecins conventionnés (Danemark, Norvège, Finlande). Cette régulation « n'évite pas les pénuries locales dans les zones peu attractives », balaie la Drees.

De fait, les médecins qui exercent dans ces territoires peu attractifs ne restent pas (en général) après leur période d'engagement, et « parfois cette expérience les détourne d'un type d'exercice pour lequel ils auraient pu avoir certaines prédispositions ».

Enfin, concernant les actions de soutien professionnel ou personnel comme l’organisation et le financement de remplacements, des facilités pour la formation continue (compensation de la perte de revenu, prise en charge de frais de transport) ou l'aménagement des conditions de travail pour les médecins seniors, « il y a peu d’évaluations de l’impact de ces mesures, qui sont là aussi un élément d’une stratégie d’ensemble incluant d’autres dimensions ».

Mesures complémentaires pour la France ?

Pour la Drees, « l’expérience internationale montre l’efficacité limitée de mesures isolées ». En France, si une large palette de mesures a été mise en place depuis une quinzaine d’années, « des améliorations sont possibles », glisse la Drees.

L'étude estime par exemple que « l'origine territoriale et sociale des étudiants en médecine pourrait être plus diversifiée ». Des expérimentations ont été mises en place en ce sens, comme le dispositif AlterPACES dans une quinzaine d'universités. Mais son bilan est « mitigé », avec peu d'étudiants recrutés, n'ayant pas permis de diversifier les profils. D'où l'idée de développer des « démarches plus proactives » en direction des élèves du secondaire, à l’instar des initiatives prises en Picardie ou en Seine-Saint-Denis. 

L’effort pour proposer des conditions de vie et de travail épanouissantes pourrait enfin être accru. Car si le développement des structures d’exercice collectif (maisons de santé, centres de santé) est une priorité depuis 15 ans, la Drees estime que leur création reste « compliquée ». Les médecins seraient plus attirés par des solutions « clés en main ». Enfin, l'étude propose de s'inspirer des initiatives internationales sur l'organisation et le financement de remplacements ou l’accompagnement en début de carrière. 


Source : lequotidiendumedecin.fr