Affaire Le Scouarnec : alerté onze ans avant sa mise en examen pour viols, le ministère n'a pas sanctionné le chirurgien

Par
Publié le 10/02/2023

Crédit photo : AFP

Condamné en 2020 à 15 ans de réclusion pour viols et atteintes sexuelles sur quatre mineurs, le Dr Joël Le Scouarnec avait attiré l’attention des autorités françaises, dès 2005. La même année, l’ex-chirurgien avait été condamné par le tribunal judiciaire de Vannes à quatre mois de prison avec sursis, pour détention d’images pédopornographiques. Informé de cette condamnation en 2016, le ministère de la Santé aurait hésité à le radier, avant de changer d’avis, selon une enquête de France Info.

Selon le site d’information, c’est « une mystérieuse note blanche », apparue en copie de plusieurs échanges de mails entre des responsables du ministère, qui aurait tout changé. Son auteur reconnaît que la condamnation du chirurgien « aurait certainement justifié qu’elle ne procède pas à sa nomination ». Mais, comme Dr Le Scouarnec vient juste d’être titularisé comme PH à l’époque, il lui paraît « difficile » d’envisager l’annulation de sa nomination.

Plainte introuvable

La note écarte donc la possibilité d'une sanction disciplinaire ou d'une exclusion du chirurgien, mais privilégie l’option de la plainte devant l'Ordre. Selon France Info, le ministère aurait alors demandé au directeur régional de l’hospitalisation de Bretagne de déposer cette plainte en leur nom auprès du Cnom. Mais cette plainte, que l’institution affirme n’avoir jamais reçue, n’aurait jamais vu le jour.

Le chirurgien a donc continué à exercer durant 12 ans, à la suite de sa condamnation. Période durant laquelle la justice le soupçonne d’avoir fait 45 nouvelles victimes. Au total, le Dr Le Scouarnec est soupçonné de viols et d'agressions sexuelles dans un vaste dossier impliquant 312 cas potentiels, dont 19 ont été exclues de la procédure, en décembre dernier. Le procès devrait se tenir en 2023, en Cour d’assises à Vannes.

C’est dans le cadre de cette procédure que le Miop (Mouvements d'insoumission des ordres professionnels) a déposé un référé au tribunal administratif de Paris (qui s’est déclaré incompétent), puis devant le tribunal judiciaire de Paris (TJ-P) en octobre 2022. L’association demandait la nomination d’un administrateur judiciaire représentant l’Ordre. Objectif : « L'empêcher de s’installer tranquillement sur le banc des parties civiles et des personnes victimes », éviter que celui-ci ne soit « juge et partie ».

Le Miop condamné

Mais la juge vient de refuser le référé du Miop qui a été condamné à payer au Cnom la somme de 2000 euros. L'association a fait appel de cette condamnation et estime que l'Ordre « persiste dans sa nocivité pour la santé publique dans de nombreuses autres affaires ». L’association fait référence aux récentes affaires des deux pédopsychiatres, les Drs Françoise Fericelli et Eugénie Izard. Poursuivies pour avoir signalé des maltraitances sur des enfants, elles ont vu leurs sanctions respectives confirmées par la chambre disciplinaire de l'Ordre, fin janvier.

L’association dénonce un « deux poids, deux mesures ». Car, malgré la connaissance de faits graves concernant le Dr Le Scouarnec depuis 2005, l’Ordre « ne l’a jamais sanctionné ». Le Cnom l’a « inscrit sur ses tableaux départementaux à plusieurs reprises, tout en affirmant qu’il ne pouvait rien faire d’autre », déplore le Miop qui appelle, une nouvelle fois, à dissoudre l’institution ordinale.


Source : lequotidiendumedecin.fr