L'affaire de l'ex-chirurgien de Charente-Maritime, le Dr Joël Le Scouarnec, accusé d'actes de pédophilie secoue le monde médical depuis sa révélation il y a quelques semaines. Le spécialiste – déjà condamné en 2005 à Vannes à quatre mois de prison avec sursis pour détention d'images pédopornographiques – a d'abord exercé à l'hôpital de Quimperlé (Finistère) jusqu'en 2008, puis à l'hôpital de Jonzac (Charente-Maritime).
Le médecin, âgé de 68 ans, est en détention provisoire depuis mai 2017, à la suite des révélations de sa très jeune voisine, et devrait être jugé en 2020 pour viols et agressions sexuelles sur mineures.
Mais l'ampleur de cette affaire est inconnue. Des carnets accusateurs ont été saisis chez lui, où plus de 200 noms d'enfants sont cités à côté de descriptions d'actes sexuels. Selon la défense, ces écrits ne seraient que la description de « fantasmes » ; pour l'accusation, il pourrait s'agir d'actes pédophiles à grande échelle.
Élu en mars 2018 président du conseil départemental de l'Ordre des médecins de Charente-Maritime, le Dr Pascal Revolat, revient sur le rôle de l'Ordre dans cette affaire.
LE QUOTIDIEN : L'Ordre des médecins de Charente-Maritime avait-il connaissance de la première condamnation du chirurgien pour détention d'images pédopornographiques en 2005 ?
Dr PASCAL REVOLAT : Oui, c'était connu. En 2008, l'Ordre de Charente-Maritime a eu les mêmes renseignements que l'Ordre du Finistère, c'est-à-dire la mention de sa condamnation en 2005 par le tribunal de Vannes. L'hôpital avait également cette information.
Cette condamnation avait été transmise à l'époque à la Direction départementale des affaires sanitaires et sociales (DDASS dont les compétences ont été reprises en 2010 par les agences régionales de santé, NDLR), sous l'autorité de laquelle se trouvaient les médecins hospitaliers jusqu'en 2009. Mais il n'y a jamais eu de réponse de l'administration !
Mais que se passe-t-il en 2008 lorsque le chirurgien s'installe en Charente-Maritime ?
Comme pour toutes les demandes d'inscription et les transferts de dossiers, le médecin a été reçu par un conseiller ordinal – aujourd'hui décédé – en entretien. Et l'Ordre départemental a ensuite validé son inscription. À l’époque, tout le monde a estimé que la décision judiciaire était souveraine. Le médecin était condamné avec du sursis, sans obligation de soins, suivi psychologique ni interdiction d'exercice.
D'après « le Télégramme », les faits ont été à l'époque qualifiés d'infraction à la suite d'une jurisprudence de la Cour de Cassation selon laquelle la consultation de sites pornographiques mettant en scène des mineurs ne suffit pas à caractériser un délit. Cela a peut-être été vu comme moins alarmant…
Vous semblez suggérer que c'est la justice qui a été défaillante…
Non, la justice n'a pas été défaillante. Mais je constate que tout le monde pointe l'Ordre du doigt et personne ne remet en cause l'institution judiciaire. Certes, elle a jugé en fonction des faits de l'époque, bien différents de ceux reprochés au médecin aujourd'hui. Et tous les médecins auteurs d'infraction ne sont pas interdits d'exercer… Cela aurait-il changé quelque chose ? À ce stade, les faits pour lesquels le médecin est en détention se seraient déroulés hors du cadre professionnel. S'il avait été interdit d'exercice, ces faits auraient malheureusement quand même pu se dérouler.
En tant que médecin, que pensez-vous de cette possible affaire de pédophilie à grande échelle ?
Je ne vois pas comment un chirurgien pourrait se retrouver en consultation seul avec des enfants – qui sont forcément accompagnés de leurs parents – ou pendant le trajet opératoire, que ce soit au bloc opératoire ou en salle de réveil. Je serais sidéré que cela ait pu se passer comme cela. Mais ce sera aux enquêteurs de le démontrer.
Si tout cela s'est passé, c'est tout simplement ahurissant ! Cela met à mal l'image de la profession. C'est d'autant plus choquant au niveau éthique. Les médecins prêtent le serment d'Hippocrate…
L'Ordre se constituera-t-il partie civile lors du procès qui doit s'ouvrir aux assises début 2020 ?
Je ne peux le dire. Dans tous les cas, c'est le Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM) qui se constitue partie civile, c'est donc à lui que revient la décision.
À cet égard, c'est l'Ordre national qui a le dossier du médecin, radié en 2017 pour convenance personnelle, c'est-à-dire à sa propre demande. Et lorsqu'un médecin est radié, son dossier repart à l'Ordre national.
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