À quelques pas du conseil régional de l'Ordre des médecins d'Île-de-France, dans le 15e arrondissement de Paris, une foule patiente déjà sur le trottoir ce mardi matin. Venus pour certains de province, les manifestants dont quelques soignants notoirement antivax ont répondu à l'appel de politiques - dont l'ex-députée psychiatre Martine Wonner ou les leaders d'extrême droite Nicolas Dupont-Aignant et Florian Philippot- pour soutenir le Pr Christian Perronne.
L'ancien chef de service en infectiologie à l’hôpital universitaire Raymond-Poincaré de Garches était en effet convoqué devant la chambre disciplinaire de l'instance régionale ordinale pour répondre à deux plaintes déposées en 2020 respectivement par le conseil national de l’Ordre des médecins (Cnom) et par le Dr Nathan Peiffer-Smadja, infectiologue à l'hôpital Bichat à Paris.
Documentaire complotiste
Ces poursuites disciplinaires ont été engagées suite à des propos tenus par l'infectiologue retraité sur les réseaux sociaux et dans les médias. Le Cnom considère que le Pr Perronne a violé le Code de la santé publique en mettant « gravement en cause des confrères ayant pris en charge un membre de sa famille ou ayant participé à des décisions sanitaires des pouvoirs publics ». En octobre 2020, le Pr Perronne avait en effet suscité l'indignation de la profession en affirmant qu'« un médecin généraliste qui déclare un test Covid positif chez un de ses patients touche de l'argent donc il a intérêt à faire beaucoup de tests ».
La deuxième plainte, portée par le Dr Nathan Peiffer-Smadja, vise des propos du Pr Perronne à son égard lors d'interventions télévisées en particulier sur RMC et LCI ainsi que dans une video Youtube. « M. Perronne a notamment déclaré à mon égard que j’avais commis une faute grave parce que je n’aurais pas déclaré dans un article récemment publié dans Clinical Microbiology and Infection un conflit d’intérêt "institutionnel" avec l’Imperial College London qui aurait lui-même des conflits d’intérêt avec Bill Gates » indique le Dr Peiffer-Smadja dans sa plainte. Des accusations aussi infondées qu'absurdes reprises également dans le film complotiste « Hold-up, retour sur un chaos », sorti en novembre 2020 et visionné plus de 4 millions de fois en France.
« M. Perronne m’accuse à nouveau d’avoir écrit un article "frauduleux" ou "bidon" puis affirme que les auteurs de cet article seraient " responsables de la mort de beaucoup de gens" et que «"les auteurs de ces articles devront un jour rendre des comptes devant l’humanité" » a déploré le Dr Peiffer-Smadja dans sa plainte.
Audience de deux heures
Des reproches balayés par les manifestants. Devant des policiers, ils brandissent des affiches qui en disent long : « Bravo au Pr Perrone, non aux collabos. Soutien aux soignants », « Soignants suspendus, stop », « Conseil de l'Ordre des médecins = Vichy ». Membre du collectif ReinfoCovid et cofondatrice du mouvement « Laissons les médecins prescrire », la Dr Marie Berthet est venue d'Avallon (Yonne). Devant « Le Quotidien », la dermatologue retraitée antivax salue celui qu'elle qualifie d' « immense » médecin. « Comme lui, je veux rester fidèle au serment d'Hippocrate, affirme-t-elle. Je suis là pour défendre les patients contre les mesures stupides comme la vaccination contre le Covid ».
À ses côtés, le Dr André Orluc, autre généraliste retraité, très remonté voit dans le Pr Perronne le « symbole de l'honnêteté intellectuelle ». « Dans cette histoire, l'Ordre a entretenu une ambiguïté. Il n'a pas du tout réagi lorsque des médecins de plateaux de télé ont raconté n'importe quoi » dit-il. À deux pas de là, une pédiatre parisienne engage une discussion animée avec d'autres personnes. « Tout ce qui dit le Pr Perronne est vrai et la presse ne le dit pas assez », ne craint-elle pas d'affirmer.
L'audience devant la chambre disciplinaire, à laquelle la presse n'a pas eu accès, a duré plus de deux heures. À sa sortie, sous des applaudissements, le Pr Perronne, arbore un large sourire. « La discussion était très calme et sereine, a-t-il déclaré. Toute ma carrière, je l'ai dévoué aux malades. C'est ça la vraie déontologie (...) Je suis fier de tout ce que j'ai fait. Je pense que je l'ai fait avec mon âme ». Le verdict des juges ordinaux est attendu en octobre.
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