« L'ARS est comme le virus, invisible et insaisissable » : poursuivi pour « diffamation » et « injure », un chirurgien libéral relaxé

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Publié le 24/06/2022

Crédit photo : S.Toubon

« L’ARS est aux abonnés absents (...) Elle est comme le virus, invisible et insaisissable, et mobilisée peut-être, mais dans ses bureaux… Elle se planquait parce qu'elle a peur, peur du virus pour elle-même, peur de nous, les soignants ». C'est pour ces propos acides, tenus en mars 2020, en pleine première vague, dans une vidéo devenue virale, que le Dr Xavier Gouyou-Beauchamps, chirurgien orthopédiste libéral à Bergerac, avait été poursuivi en août 2020 pour « diffamation » et « injure » par l'ARS Nouvelle Aquitaine.

Cette dernière a été déboutée le 20 juin par le tribunal correctionnel de Bordeaux qui n'a pas suivi ses arguments. L'ARS avait tenté de faire valoir qu'en plein pic de la crise, « la gravité des propos a pu contribuer à disloquer le lien de confiance entre les Français et leur administration de la santé », peut-on lire dans la plainte que « Le Quotidien » a pu consulter. De surcroît, plaidait l'ARS, « profitant de la nouvelle importance donnée au discours scientifique médical et à l'aura dont jouissent, en cette période de crise, les professionnels de santé, M. Beauchamps utilise en réalité la crise pour dire tout le mal qu'il pense de l'agence régionale de santé en tant qu'administration ».

Médecin critique mais de bonne foi

Pour le tribunal, les critères constitutifs de la diffamation n’étaient pas réunis. Même s'ils ont été exprimés avec « une certaine émotion », mettant en avant « une prise de parti », les propos n'ont pas été tenus « dans un esprit vindicatif » et s’inscrivaient dans un débat d’intérêt général. « S'il est certain que ces propos constituent des reproches et des critiques, lesquels peuvent par nature être désagréables et virulents, ils ne sont pas en l’espèce pas excessifs », indique le tribunal dans le délibéré provisoire. Les magistrats ont aussi considéré que le médecin était de « bonne foi ».

Joint par « Le Quotidien », le chirurgien orthopédiste, secrétaire général de l’Union des chirurgiens de France (UCDF), souligne que sa vidéo avait été réalisée sous le coup de la colère, après la tenue d'une réunion provoquée par la CPTS de Bergerac où aucun représentant de l'ARS Nouvelle Aquitaine était venu... « On attendait que l'ARS vienne pour apporter des réponses, où trouver les masques, le gel, les tests, comment prendre en charge les patients non-Covid, raconte le Dr Gouyou-Beauchamps. C'est l'épidémie du siècle et il n'y avait personne qui répondait. C'était intolérable ».

Pour le chirurgien orthopédiste, « l'ARS n'osait pas dire qu'il y avait un manque criant de matériel ». « Elle ne joue pas son rôle et ne supporte pas qu'on remette en cause ses compétences, avance-t-il. Je ne retire pas un mot de ce que j'ai dit ». L'ARS Nouvelle Aquitaine avait 10 jours pour faire appel de ce jugement.


Source : lequotidiendumedecin.fr