Sofosbuvir : un brevet fragile, maintient l'Office européen, MDM conforté

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Publié le 25/11/2022
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Crédit photo : PHANIE

À l’issue de plusieurs heures d'audition, l'Office européen des brevets (OEB) a confirmé la fragilité du brevet protégeant le sofosbuvir, la molécule de Gilead indiquée contre l'hépatite C. Cette décision s'inscrit dans un long bras de fer commencé dès l'obtention du brevet (2014), opposant le laboratoire Gilead et Médecins du Monde (MDM). Elle répond au recours déposé il y a 5 ans (2016) par le laboratoire Gilead après une première remise en cause de son brevet .

La chambre de recours de l'OEB conforte ainsi le jugement qu'elle avait rendu en octobre 2016, à savoir l'exclusion du périmètre du brevet de deux des trois molécules couvertes à l'origine (dont le sofosbuvir lui-même), un jugement émis en réponse à l'opposition formulée début 2015 par MDM et d'autres ONG. « Cela grave dans le marbre la fragilité du brevet d'origine », juge Quentin Jorget, expert en propriété intellectuelle qui défend le dossier de MDM.

Fragilisé donc, le brevet de Gilead pourrait même être totalement annulé : la chambre n'a pas eu le temps de se prononcer sur le point de l'inventivité du brevet, également contesté par MDM. Mais il faut pour cela qu'une nouvelle audience ait lieu et aucune date n'a été fixée à ce jour. « Il est probable que cela ait lieu dans environ un an », affirme Quentin Jorget. Rappelons que le brevet du sofosbuvir accordé en 2014 doit normalement prendre fin en 2029.

Une brèche dans le système de propriété intellectuelle

La décision finale de la chambre de recours de l'OEB pourrait avoir de fortes répercussions sur le poids de la propriété intellectuelle dans la fixation des prix. Dans un communiqué, MDM invite les pouvoirs publics à s'emparer de la question.

Pour Olivier Maguet, responsable campagne Prix des médicaments à MDM, la remise en question du brevet de Gilead, même partielle, ouvre une brèche historique. « La remise en question des brevets était jusqu'à présent une préoccupation des pays du Sud, mais la mise en tension du système des brevets a révélé les consciences au Nord, détaille-t-il. Ce jugement nous montre que l'État français a accepté de payer des prix déraisonnables et de trier ses malades sur la base d'un brevet bancal. »

Olivier Maguet et Quentin Jorget espèrent tous deux que cette décision va pousser l'État a se saisir des outils à sa disposition, à commencer par la licence d'office. « Lorsque le premier jugement a été rendu, le gouvernement a perdu une superbe opportunité de s'en saisir », regrette Olivier Maguet.

« Depuis les années 70, il y a eu une financiarisation du système des brevets qui, toujours plus nombreux, sont détournés pour garantir des monopoles », estime Olivier Maguet. En 2011, Gilead Sciences a racheté la start-up Pharmasset pour 11,2 milliards de dollars. « Un rachat qui n’avait pour seule finalité que d’acquérir les brevets du sofosbuvir et des antiviraux d'action directe (AAD) développés initialement par Pharmasset », affirme MDM.

De leur côté, les génériqueurs peuvent dès à présent déposer une déclaration de non-contrefaçon devant les tribunaux nationaux (en France, c'est le tribunal de grande instance de Paris qui est compétent) et fabriquer leur propre sofosbuvir. 


Source : lequotidiendumedecin.fr