Certains centres ophtalmologiques sont décidément dans le viseur de la justice. Une enquête du parquet de Paris vise depuis l'été 2021 un réseau de centres ophtalmo pour des soupçons de fraude – surfacturations, actes fictifs, cumul d'examens – estimée à plus de 7 millions d'euros, a appris lundi l'AFP auprès de sources concordantes, confirmant une information du « JDD ».
Une « opération nationale de contrôle à l'encontre de douze centres de santé ophtalmologiques appartenant à un seul et même réseau » lancée en octobre 2020 a révélé « des pratiques de facturation non conformes », selon un document de la Cnam. Le nom du réseau n'est pas cité.
Parmi ces actes frauduleux ont été découverts, entre autres, « des doubles facturations à l'Assurance-maladie d'un même acte, des actes fictifs, c'est-à-dire des actes facturés mais non réalisés » ou encore « la facturation d'actes médicalement redondants dont le cumul est interdit à la nomenclature ». Le préjudice financier est estimé « à plus de sept millions d'euros », annonce l'Assurance-maladie.
Crédibilité de la profession
Entre juin 2021 et juin 2022, 26 plaintes ont été déposées contre douze centres situés en Île-de-France, Provence-Alpes-Côte d'Azur, Normandie, Hauts-de-France, Pays de la Loire, Auvergne Rhône-Alpes, Centre Val-de-Loire et Grand Est.
Une plainte pour escroquerie a été adressée le 15 septembre au parquet de Paris, qui centralise toutes les procédures, par le Syndicat national des ophtalmologistes de France (Snof), indique son président, le Dr Thierry Bour. « Une partie des centres fonctionnent normalement mais on a l'impression qu'ils deviennent minoritaires et qu'on assiste à une généralisation des dérives, ce qui porte atteinte à la crédibilité de la profession », dénonce-t-il.
Une enquête préliminaire avait été ouverte le 6 juillet 2021 pour escroquerie et blanchiment en bande organisée. Les investigations ont été confiées à l'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) et la Plateforme d'identification des avoirs criminels (Piac). Des perquisitions ont été réalisées dans des centres à Paris, en Île-de-France et en province le 13 décembre 2021, a ajouté le parquet.
Les centres dentaires aussi
Par ailleurs, « huit autres centres de santé ophtalmologiques, tous implantés en Île-de-France, font actuellement l'objet de contrôle par les services de l'Assurance-maladie » et « les investigations ont permis de confirmer la suspicion d'actes fictifs », ajoute la Cnam, qui déposera prochainement de nouvelles plaintes pénales.
Le nombre de centres de santé ophtalmologiques recevant plus de 500 patients est passé de 88 en 2015 à 157 en 2020, selon la Cnam. Constatant « une augmentation de 50 % du coût moyen de soins par patient », une hausse de 250 % des coûts de dépenses passant de 20 millions d'euros en 2015 à 69 millions d'euros en 2019 et des signalements d'assurés ou de professionnels de santé, l'Assurance-maladie a intensifié ses contrôles dans la filière visuelle.
Selon le « JDD », un autre chantier va cibler les centres dentaires, qui sont « nombreux à pratiquer les surfacturations ou la cotation d’actes inexistants ». Il en existe près de 1 400 dans l’Hexagone, et leurs dépenses ont augmenté de 42 % par rapport à 2019, « beaucoup plus » que celles des libéraux (+ 12 %).
Outre les mesures judiciaires, l'Assurance-maladie a la possibilité de déconventionner « d'urgence » les offreurs de soins auteurs de fraudes.
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