Avec l’accentuation forte du déclin de la participation électorale, déjà observé lors des élections précédentes, le renforcement de la fragmentation syndicale avec l’émergence de l’UFML et le première place des organisations mono-catégorielles (MG France et Le Bloc-Avenir Spé) dans les deux collèges, les récentes élections dans les URPS suscitent de nombreuses interrogations sur l’évolution des négociations conventionnelles et plus largement des politiques de réorganisation du système de soins à l’œuvre depuis la loi HPST. Elles posent clairement la question de l’avenir de la médecine libérale au cœur du fonctionnement de la médecine ambulatoire depuis la mise en place du système d’assurance maladie français.
En effet, peut-être plus que l’opposition entre syndicats mono-catégoriels et pluri-catégoriels, ces élections mettent en lumière un clivage entre les organisations focalisées sur la défense de la médecine libérale (en particulier le paiement à l’acte) et de l’autonomie professionnelle (refus de la délégation de soins notamment) et celles qui sont favorables à une évolution de celle-ci, en termes de coordination des soins et de pluri-professionnalité en particulier.
Si l’UFML a repris le flambeau de la préservation des principes de la charte de 1927, qui avait déjà été au fondement de la création de la FMF dans les années 1960 puis du SML au début des années 1980, le positionnement du Bloc Avenir Spé en est également assez proche comme on peut le voir à propos de la ROSP.
Par contre, MG-France et la CSMF apparaissent comme des syndicats plus ouverts aux évolutions de la pratique et de l’organisation de la médecine libérale au-delà de l’exercice isolé rémunéré à l’acte. La constitution d’un nouveau « front libéral », sans la CSMF, serait une évolution historique importante, tout comme la constitution d’une alliance CMSF/MG-France alors que la concurrence entre ces deux organisations a longtemps structuré les négociations conventionnelles.
Décalage, tensions, contradictions
Au-delà de ces recompositions possibles, les récentes élections dans les URPS révèlent aussi une série de tensions, voire de contradictions, dans le système institutionnel de l’organisation des soins. C’est là probablement un élément d’explication structurel à la très forte abstention, également liée au contexte de la pandémie Covid-19, ainsi que de la faible présence des nouvelles générations de médecins, plus fortement féminisées. En effet, Jeunes Médecins n’a réussi à monter des listes que dans très peu de régions, et obtenu des scores faibles là où c’était le cas.
La première contradiction notable est celle entre une élection dont l’enjeu principal est celui du rapport de forces entre syndicats pour la négociation conventionnelle alors qu’il s’agit formellement d’élire des représentants dans les URPS. Il est d’ailleurs significatif que les programmes des syndicats qui se sont présentés aient porté essentiellement sur les enjeux conventionnels (en particulier de rémunération) et non sur l’action des URPS.
Ce décalage renvoie à une deuxième contradiction également visible dans les programmes très nationaux, déclinés quasiment à l’identique dans chaque région, alors que les URPS sont des organisations régionales à l’action qui peut être assez fortement différenciée territorialement. Le décalage entre l’importance des enjeux territoriaux dans la réorganisation du système de soins à l’œuvre et des négociations conventionnelles qui restent nationales est lui aussi problématique.
Il est également assez paradoxal de voir des élections pour des institutions regroupant l’ensemble des professionnels de santé en ambulatoire être aussi segmentées en collèges (même si un collège a été supprimé pour les médecins). A l’heure où les enjeux interprofessionnels occupent une place croissante, comme on peut le voir pour les négociations conventionnelles, le décalage avec des élections faisant prédominer une logique catégorielle est patent.
Enfin, les URPS, comme partenaires des ARS ont aussi vocation à favoriser la coopération ville/hôpital. Or, ces élections ont été marquées par l’importance dans le discours syndical, de l’opposition entre médecine libérale et hospitalière. Cette cristallisation, assez ancienne, a été activée par la crise sanitaire qui a accentué le sentiment de focalisation de l’intérêt des pouvoirs publics sur l’hôpital, comme l’a en particulier reflété le Ségur de la santé. Il serait tout à fait contradictoire que ces élections contribuent plutôt à faire obstacle à la coordination des soins.
Par conséquent, au-delà des enjeux conventionnels à venir, les élections dans les URPS posent plus largement la question de la pertinence de cette organisation institutionnelle duale entre interactions URPS/ARS d’un côté et syndicats/assurance maladie de l’autre, pour mener à bien la réorganisation territoriale de l’offre de soins en cours, que la pandémie de Covid-19 a rendu encore plus nécessaire.
Article précédent
Le temps presse pour la médecine libérale
Le temps presse pour la médecine libérale
L’évolution de la médecine libérale au révélateur des élections des URPS
Missions, consultation et diagnostic, prescription : le projet Valletoux sur la profession infirmière inquiète (déjà) les médecins
Désert médical : une commune de l’Orne passe une annonce sur Leboncoin pour trouver un généraliste
Pratique libérale : la chirurgie en cabinet, sillon à creuser
Le déconventionnement tombe à l’eau ? Les médecins corses se tournent vers les députés pour se faire entendre