Santé des médecins

« Alors, c'est comment la retraite ? » Le délicat tournant de la cessation d'activité

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Publié le 08/07/2018
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RETRAITE

RETRAITE
Crédit photo : PHANIE

Pour les auteurs de « The Three Stages of a Physician’s career », « être médecin c’est s’ancrer dans une profonde identité de groupe avec des traits communs tels que des objectifs professionnels, une activité centrée sur son travail (parfois aux dépens de la famille et des amis), une tendance à remettre au lendemain les plans personnels par absence de temps, et parfois une négligence de son propre bien être ».

Quitter la clinique - que ce soit à cause de l’âge ou de la lourdeur de l’exercice - crée un vide. Vide d’autant plus mal ressenti par certains médecins qui n’étaient déjà pas satisfaits de leur vie au moment de leur activité professionnelle. Pour que retraite ne rime pas avec frustration, cette étape décisive de la vie doit être anticipée. Quelques pistes pour une meilleure transition.

Analyser les raisons qui poussent à la retraite

Alors que pour les médecins salariés c’est principalement l’âge qui est le déclencheur de la cessation d’activité, en libéral, la décision de retraite peut être liée à différents paramètres tout à fait individuels : lourdeur du travail administratif, burn-out (poids du travail), volonté de changement dans la vie, souhait de disposer de temps libre, âge de la retraite, sécurité financière acquise, maladie, possibilité de reprise de la patientèle…

Toutes ces composantes doivent être analysées avant de passer le pas de l’arrêt d’activité, car si certaines sont pesantes à un moment donné, elles ne doivent pas occulter les possibilités de continuer à s’épanouir dans son travail.

Déterminer les écueils à une retraite heureuse

Modifier son rythme de vie du jour au lendemain est particulièrement déstabilisant. Les auteurs de « The Three Stages of a Physician’s career » dressent une liste – à partir d’entretiens avec des confrères retraités – des difficultés rencontrées en particulier de début de retraite : ne plus avoir de défis à relever, renoncer à un travail intellectuel, renoncer au travail en équipe, se sentir moins important dans la société, perdre la gratitude des patients, se déconnecter avec le monde des sciences et les avancées thérapeutiques, ne pas savoir comment remplir ses journées, ne plus être en phase avec ses amis qui travaillent encore, se retrouver en face à face constant avec son conjoint.

Anticiper la perte de revenu

« Jouer au golf et lire… Suivre les cours de la bourse… c’est bien mais ça ne remplit pas les journées de personnes qui avaient tendance jusque-là à ne jamais compter leurs heures… », peut-on lire dans « The Three Stages of a Physician’s career ». Comment ne pas perdre pied, en particulier pour tous ceux qui ont souffert de burn-out en cours de carrière ? En anticipant… Et en anticipant d’autant plus que si la retraite est synonyme de temps libre, elle est aussi un moment de nette baisse des revenus.

De plus en plus de médecins se tournent vers des produits d’épargne retraite privés ou investissent dans la pierre mais ils ont aussi désormais des besoins financiers prolongés dans le temps en raison du délai à l’autonomisation de leurs enfants (en particulier s’ils font de longues études) et de leurs ainés (parents en maison de retraite ou dépendants).

C’est pour ces raisons – et d’autres plus privées – que de plus en plus de médecins s’orientent vers le cumul emploi retraite qui est possible pour les libéraux mais aussi pour les hospitaliers.

De quoi sera faite la vie ?

Outre la question financière essentielle, celle de l’occupation intellectuelle est aussi cruciale : comment remplir ses journées ? Comment trouver de nouveaux amis ? Comment continuer à suivre l’actualité des sciences et de la médecine ? Comment donner du sens à sa vie alors qu’on se sent moins important socialement ? Comment vivre à plein temps avec un conjoint que l’on ne faisait que croiser jusque là ? Comment s’impliquer dans la transmission du savoir ? Comment se fixer des objectifs sans être aussi perfectionniste qu’en médecine (recommencer le piano, apprendre de nouvelles langues) ? Comment rester en adéquation avec ses valeurs et ses capacités ?

Passer du temps – quitte à se faire aider par des mentors ou des pairs – pour définir les priorités de sa nouvelle vie permet d’effectuer une transition plus facile et plus épanouissante entre un trop plein d’activités et un trop plein de temps libre.

The Three Stages of a Physician's Career: Navigating From Training to Beyond Retirement (Greenbranch, 2017)

Dr Isabelle Catala

Source : Le Quotidien du médecin: 9676