Formation initiale hors CHU, le décollage ?

Stages ambulatoires : les spécialistes avancent leurs pions

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Publié le 06/11/2020
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Après la médecine générale, pionnière, la maîtrise de stage des universités (MSU) intéresse les autres spécialités. Objectif : accueillir davantage d'externes et d'internes en terrain ambulatoire dès cet hiver et encourager les installations en libéral.
Les ophtalmologistes prêts à ouvrir des stages en ville

Les ophtalmologistes prêts à ouvrir des stages en ville
Crédit photo : S.Toubon

Le statut de maître de stage des universités (MSU) va-t-il enfin gagner toutes les spécialités ayant un exercice majoritaire en ville ?

Un décret publié cet été a officialisé la démarche pour accueillir externes et internes dans les structures de ville, à compter de la rentrée universitaire. Comme leurs confrères généralistes, les futurs MSU suivront une formation pédagogique (à l'accueil, à l'encadrement et à l'évaluation) pour coacher leurs étudiants. Un agrément sera délivré pour une durée maximum de cinq ans.

Jusqu'à présent, à l'exception notable de la médecine générale qui a fait de la maîtrise de stage un atout majeur, très peu de spécialités de premier recours se sont organisées, faute de règles du jeu. « Les stages ambulatoires sont rares et les praticiens qui accueillent des jeunes ont signé des conventions avec la fac dont les modalités sont confidentielles, confie Jeanne Dupont Deguine, en charge des études à l'Association nationale des étudiants en médecine de France (ANEMF). On souhaitait un cadre national pour que les médecins se lancent. »

L'ophtalmologie sur le pont

Une poignée de spécialités volontaires — ophtalmologie, gynécologie médicale, pédiatrie, dermatologie — ont sauté le pas. Les vents sont porteurs puisque la réforme du troisième cycle a donné la possibilité, dans les maquettes de nombreuses spécialités, d'effectuer un stage mixte ou couplé lors de la dernière phase de l'internat auprès d'un MSU agréé. 

En ophtalmologie, 27 terrains de stages à destination des internes sont disponibles depuis trois ans. « Les MSU ophtalmo ont suivi la formation de la maîtrise de médecine générale car nous avons créé la nôtre seulement fin 2019. Mais on souhaite en ouvrir une centaine rapidement ! », explique le Dr Thierry Bour, président du Syndicat national des ophtalmologistes de France (SNOF). Un compagnonnage libéral précieux : « Les internes opèrent davantage, notamment pour la chirurgie de la cataracte, car ils sont moins nombreux qu'en CHU, souligne le Dr Bour. Ils progressent sur les prescriptions de corrections optiques mais aussi dans la prise en charge de la DMLA et du glaucome. Et ils voient le fonctionnement d'un cabinet ! »

En gynécologie, des stages d'internes ont ouvert en Centre-Val de Loire, Normandie, Lorraine, dans le Nord et le Rhône. Le Dr Parvine Bardon, gynécologue à Orléans et formatrice MSU, est l'une des pionnières depuis 2017. « Ça redonne du souffle et de la motivation, c'est une source de partage mais il faut la fibre pédagogique », témoigne-t-elle. Du côté des étudiants, cette expérience se révèle formatrice. « En comparaison avec les cas vus en milieu hospitalier, où nous gérons uniquement l’urgence, j'ai pu apprendre la prise en charge de la patiente dans sa globalité, à annoncer un cancer ou une maladie sérieuse et à suivre à long terme des cancers gynécologiques », raconte Sarah, interne confortée dans son choix d'une carrière libérale.

Encourager les installations dans les territoires en manque de spécialistes est un enjeu clé. Former un jeune, c'est l'espoir d'être remplacé le moment venu. En gynécologie médicale, « la moyenne d'âge est de plus de 60 ans, nous sommes peu nombreux, alerte le Dr Bardon. Il  faut former davantage de MSU et renouveler la profession. »

Répartition ville/hôpital à corriger

Même ambition pédagogique chez les pédiatres libéraux. Le Dr Jean-François Pujol, secrétaire général adjoint du Syndicat national des pédiatres français (SNPF) et MSU en Gironde, souhaite davantage de terrains ambulatoires pour que la spécialité gagne en attractivité. « Le plus gros frein, c'est la démographie pédiatrique. Les hôpitaux sont aussi en manque d'internes et ils nous les laissent difficilement. Nous avons deux stages en Gironde mais ce sont des variables d'ajustement… ».

Le Syndicat national des dermatologues-vénéréologues (SNDV) réclame une meilleure répartition des stages entre le CHU et la médecine de ville. « Il faut assurer une plus grande ouverture. Une majorité d'internes de dermatologie travailleront en libéral, mais ils ne savent pas ce que c'est », résume le Dr Luc Sulimovic, président du syndicat.

La rémunération est un frein identifié. Un praticien MSU perçoit 600 euros brut par mois pour l'accueil d'un interne et 300 euros brut par mois pour l'accueil d'un étudiant de deuxième cycle (à partager entre les différents MSU d’une même maquette). Après la mise en place d'un groupe de travail en décembre 2019, des discussions sont prévues au ministère pour accélérer le déploiement de l'offre ambulatoire dans les spécialités et évoquer la rémunération des maîtres de stage.  

Sophie Martos

Source : Le Quotidien du médecin