Miser sur un coup de pouce financier pour attirer des jeunes médecins peut-il suffire à les convaincre de s’installer ? Plusieurs aides financières incitatives sont proposées par les pouvoirs publics. L’Assurance maladie a mis en place le contrat d’aide à l’installation des médecins, allocation de 50 000 euros versée en deux temps. Le gouvernement a lui déployé le contrat de praticien territorial de médecine générale, qui garantit un revenu minimum pendant deux ans. En dépit de ces aides, certains maires n’hésitent pas à proposer plus. Pourtant, selon une récente enquête de l’Ordre des médecins sur les déterminants à l’installation menée avec les organisations de jeunes, 10 % des répondants estimaient que les aides financières n’étaient pas du tout déterminantes et près de la moitié (48 %) les qualifiaient de peu ou partiellement décisives. Pour Lucie Garcin, présidente du Syndicat des internes de médecine générale (Isnar-IMG), l’aspect financier ne vaut rien si aucune politique d’accompagnement de l’interne n’est menée en complément par la commune ou les collectivités. « Les dispositifs qui fonctionnent sont ceux où il y a un référent ou encore lorsque des solutions sont proposées aux conjoints, comme dans le département de l’Isère », explique-t-elle.
Les généralistes à l’abri du mercenariat ?
La représentante des jeunes généralistes installés et remplaçants du syndicat ReAGJIR, le Dr Laure Dominjon, fait le même constat. « Ces offres entretiennent l’idée que les médecins ne sont que là pour chercher de l’argent. C’est une fausse idée. Une mairie peut proposer 100 000 euros, le médecin va regarder d’abord ce qu’il y a sur le territoire. S’il ne connaît pas la région, s’il n’y a pas de service public ni d’autres professionnels de santé ou de travail pour le conjoint… Cela n’a aucun sens d’enchérir dans tous les sens », analyse la généraliste. Émilie Dias, fondatrice du cabinet Dias & Associés spécialisé dans la recherche de praticiens, l’a aussi constaté au cours de ses missions : « Il est rare que des médecins seulement intéressés par l’argent se portent candidats, même s’il y en a, comme dans tout corps de métier », relate la chasseuse de têtes.
L’aide financière n’est toutefois pas à négliger, alors que six internes sur dix évoquent le risque économique comme frein à leur installation. « Pour monter son cabinet ou acheter du matériel, cette enveloppe peut être déterminante », remarque Lucie Garcin. Les aides émanant des collectivités peuvent donc parfois faire pencher la balance, à condition qu’une réflexion plus profonde soit menée autour d’elles.
« Il faut penser “collectivité territoriale” et pas “individualité” pour répondre aux besoins d’une population en termes de démographie. Proposer de l’argent est parfois la solution de facilité, car repenser toute l’attractivité d’un territoire est colossal », estime le Dr Dominjon. Une vision territoriale de la démographie médicale à un échelon plus large que la commune serait plus adaptée. À défaut, certaines communes d’une même zone peuvent se livrer à une véritable bataille pour attirer les candidats. « Il est arrivé qu’un médecin déjà installé se fasse aborder par une ville voisine afin de le dérober. Le praticien l’a envoyée promener et lui a fait savoir que c’était très malhonnête », se rappelle Emilie Dias. Preuve que l’appât du gain prend rarement le pas sur d’autres considérations.
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