La santé ne fait pas partie des compétences des communes. Pourquoi les maires se sont-ils emparés du sujet ?
Nicolas Soret : Nous le faisons pour une raison extrêmement simple : la demande de nos habitants. Nous répondons au constat d’une carence et d’un manque pour nos concitoyens.
On assiste aujourd’hui à une surenchère entre les communes pour attirer un médecin. Le regrettez-vous ?
N. S. : Oui, il y a bien une concurrence et j’ai l’impression qu’elle est totalement assumée par les gouvernements successifs. Nous observons une surenchère permanente de la part de collectivités placées en situation de compétition.
C’est éminemment dangereux parce que l’on connaît d’emblée les grands vainqueurs. Sortiront du lot celles et ceux qui pourront faire toujours plus et mettre davantage de moyens. Les zones densément peuplées, donc les plus fortunées, vont ainsi avoir la primeur. Le risque est fort de renforcer les inégalités territoriales.
Pour les élus, les seules solutions aujourd’hui sont-elles la coercition ou la planche à billets ?
N. S. : Nous n’avons pas beaucoup de leviers au niveau local. Le Parlement pourrait nous en proposer de nouveaux, mais on sent une certaine frilosité à envisager la coercition. Pourtant, un sondage auprès des maires de France montrerait qu’ils n’y sont pas si réfractaires. Les clivages droite-gauche sauteraient complètement, vous seriez surpris ! Dans mon département, je suis dans l’opposition de gauche, ce qui ne m’a pas empêché de proposer un vœu réinterrogeant la liberté d’installation. Il a été voté à l’unanimité par l’assemblée. Tout le monde finit par penser que si le droit ne vient pas à notre rescousse, on ne s’en sortira pas.
Comment percevez-vous les motivations des médecins actuels et futurs ?
N. S. : Il nous faut travailler sur les “à côté” susceptibles de faire la différence. Sur mon territoire par exemple, nous nous sommes aperçus dans leurs évaluations de stage que les internes soulignaient la qualité du niveau de leur formation mais pointaient du doigt le logement. Nous avons donc ouvert une maison des internes. Avec notre hôpital de proximité, nous n’allons pas ouvrir les mêmes stages qu’un CHU. Sans contrepartie au niveau de la qualité de l’accueil, nous ne tirerions pas notre épingle du jeu. Quand les étudiants arrivent, nous leur remettons une carte de libre accès à la piscine, aux infrastructures culturelles. L’objectif est de déconstruire l’idée qu’exercer la médecine en milieu rural, c’est forcément l’enfer. Nous avons aussi une qualité de vie qui peut très bien coller avec leur projet de vie. Et cela fonctionne.
Sur le terrain, la concertation avec les ARS suffit-elle à éviter des mesures contre-productives de part et d’autre ?
N. S. : Il n’y a aucune régulation avec les ARS, la pire des administrations avec lesquelles il est donné à un élu local de travailler. Le fait que ces agences ne soient pas déconcentrées au niveau départemental est une difficulté majeure. Elles sont souvent jugées loin du terrain.
*Association des petites villes de France. Nicolas Soret est également conseiller départemental de l’Yonne, président de la communauté de communes du Jovignien et 1er adjoint au maire de Joigny.
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