Harcèlement moral et sexuel : des femmes médecins témoignent

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Publié le 07/03/2019
harcellement

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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

« Chef de service grand mandarin qui m'a pressée comme un citron. Mon mariage s'est terminé par un divorce. J'ai été nommée PU-PH. Tout ça pour ça ? »

C'est l'une des nombreuses déclarations de harcèlement moral ou sexuel qui parsèment l'enquête d'APH et de Jeunes médecins. Si l'objectif premier des deux syndicats était d'informer sur l'équilibre précaire entre vie privée et vie professionnelle des praticiens hospitaliers, se révèlent au fil des pages des témoignages accablants sur la réalité de certaines femmes médecins, confrontées à l'hôpital à une logique de pouvoir concentré entre des mains très souvent masculines, malgré un effectif médical désormais majoritairement composé de femmes.

Évoquant leur propre situation, 15 % des femmes médecins (315 cas) ont été victimes de situation de harcèlement ou d'humiliations sexuelles dans leur milieu professionnel. « Son harcèlement pervers m'a poussée à changer de structure pour être tranquille », indique ce praticien en parlant d'un confrère. Une autre évoque le « harcèlement » d'un collègue masculin et « pas de soutien par le chef de service ». Un « pervers narcissique chef de pôle » a durablement marqué une troisième. Cet autre PH explique ne pas avoir obtenu un poste convoité à cause du climat « d'ambiguïté et de séduction » autour d'elle. Le harcèlement n'est pas le fait unique des hommes. Ce médecin femme rapporte s'être « sentie obligée de changer de lieu de travail pour [s'] éloigner d'une femme perverse ».

Ces situations posent la question des solutions de recours pour les victimes. Qui existent (commissions spéciales, médiation interne et externe, mobilité), mais semblent insuffisantes voire inconnues. « Les commissions "anti-harcèlement" que j'ai pu voir à l'œuvre ne servent qu'à étouffer les affaires et conforter les rapports de force », analyse cette professionnelle. C'est un coup de pied dans la fourmilière hospitalière, un grand ménage, que réclament d'autres femmes médecins pour « libérer la parole en cas de harcèlement » et « protéger les victimes ». « Je veux savoir auprès de qui porter plainte si on fait l'objet de harcèlement », prie celle-ci. À l'unisson de plusieurs consœurs qui réclament une structure ad hoc « indépendante », ce médecin sollicite « un lieu ou une cellule d'écoute neutre et pluridisciplinaire pour les situations de harcèlement » qui ne semble pas exister dans son établissement. 

Sanctions lourdes

Des revendications sont plus dures. L'une réclame « l'interdiction des postes à responsabilités de management aux personnes qui ont été jugés coupables de harcèlement moral ou sexuel ». D'autres veulent des sanctions lourdes pour les harceleurs, « quels qu'ils soient », et une confrontation « obligatoire » avec un médiateur en cas de dénonciation de harcèlement moral. « On ne renouvelle pas un chef de service sans une enquête externe après plainte pour discrimination ou harcèlement », gronde ce praticien. « Il faut des conséquences pénales pour harcèlements et humiliations morales, même si la personne qui l'a fait est le chef du pôle ou du service », pousse ce PH. 

Conscientes que ceux à l'origine de leurs tourments sont parfois bien placés dans la pyramide hospitalière, des femmes exigent des moyens pour dénoncer leur « bourreau », sans passer par leurs supérieurs hiérarchiques. Elles souhaitent la garantie que tout témoignage de harcèlement « ne portera pas préjudice à la carrière du plaignant ».


Source : Le Quotidien du médecin: 9730