C’EST DE MANIÈRE immédiate et intuitive que nous compatissons à une douleur que nous avons endurée. Les plus empathiques d’entre nous sont même capables de le faire pour une douleur sans l’avoir jamais éprouvée. Une équipe française l’hôpital de la Pitié Salpêtrière (Paris) vient de mettre en évidence comment cette faculté socialement importante s’exerce au niveau cérébral. Les structures médianes joueraient un rôle clef, en particulier le cortex préfrontal ventromédian.
Toute l’originalité de ce travail tient à ce que Nicolas Danziger et coll (INSERM U713) ont choisi de mener leur étude chez des sujets atteints du syndrome rare d’insensibilité congénitale à la douleur. L’équipe avait déjà travaillé à l’aide de ce modèle par le passé. Ils avaient montré que si ces sujets sous-estimaient globalement la douleur ressentie par autrui, il existait des différences de jugement interindividuelles. Ceux dont l’évaluation était la plus juste présentaient une plus forte capacité d’empathie, telle que mesurée par un questionnaire. Les sujets empathiques seraient donc capables d’imaginer une douleur sans en avoir d’expérience personnelle.
Des photographies de douleur physique.
L’équipe a réalisé des clichés d’IRM fonctionnelle tout en montrant des photographies de douleur physique (doigt coincé dans une porte ou frappé par un marteau) et de visages exprimant la souffrance. Les chercheurs ont ainsi observé que certaines activations cérébrales étaient spécifiques aux sujets insensibles à la douleur outre celles retrouvées en commun chez les sujets sains (insula, cortex singulaire antérieur). Le cortex préfrontal ventromédian, une région cérébrale connue pour avoir un rôle essentiel dans la compréhension des émotions d’autrui, était activé en réponse à une représentation somatosensorielle douloureuse (doigt coincé). Le cortex cingulaire postérieur l’était également, mais en réponse à une représentation émotionnelle douloureuse (visage).
Encore plus intéressant, ces activations cérébrales spécifiques étaient corrélées aux scores d’empathie mesurés par questionnaire. Plus les sujets étaient capables d’empathie, plus ces régions étaient activées, probablement pour compenser leur manque de « résonance émotionnelle automatique ». Il se pourrait que ce processus nous permette d’imaginer et de partager avec autrui des affects liés à une expérience non vécue.
Neuron, 29 janvier 2009.
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