Equipe habituée
Le soulagement de la douleur ne peut se concevoir qu’en concertation avec l’équipe habituée à la prise en charge de cette pathologie qui peut décider de la mise en uvre de moyens adaptés (oxygénothérapie, optimisation thermique de la chambre d’hospitalisation, maintien d’une hydratation suffisante, apport de folates, utilisation d’un Respiflow pour prévenir les atélectasies) ou plus spécifiques comme un échange transfusionnel ou la prescription d’hydroxyurée.
Opioïdes forts
La forte intensité de la douleur conduit à prescrire d’emblée des antalgiques du palier III, c'est-à-dire des opioïdes forts (1). Lorsque la voie orale est possible, le sulfate de morphine à libération immédiate est le plus souvent prescrit sous forme de gélules (Actikénan), comprimés (Sevredol) ou liquide (Oramorph) par prise de 10 à 3O mg espacées de quatre heures. L’oxycodone (Oxynorm) ne possède d’AMM dans cette indication mais est intéressante à des doses de 5 à 20 mg également toutes les quatre heures, en cas d’insuffisance rénale ou de mauvaise tolérance (nausées, troubles cognitifs) à la morphine. Lorsqu’une voie veineuse est disponible, l’administration de morphine ou d’oxycodone en autoadministration par le patient est un choix qui a montré son efficacité en réduisant la durée d’hospitalisation et l’intensité des syndromes thoraciques (2). Cette autoadministration est initiée après une titration des besoins du patient en morphine en injectant des doses de 3 mg de morphine répétées toutes les trois minutes jusqu’à ce que la douleur soit évaluée comme inférieure à 4/10 tout en conservant une fréquence ventilatoire supérieure à 10/min et un état de vigilance normal.
Il convient d’insister sur le risque d’administration de fortes doses de morphine en continu par voie veineuse car cela a été corrélé avec une fréquence accrue de défaillance respiratoire au cours de syndromes thoraciques.
Les antalgiques non morphiniques comme le paracétamol (1 g x 4/jour) et le nofépam (Acupan) sont couramment employés dans un but d’épargne morphinique, mais sont rarement suffisants pour réduire la douleur des crises.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont réservés aux douleurs rebelles aux précédents traitements lorsqu’elles sont d’origine osseuse. Le kétoprofène est utilisé par voie intraveineuse à la dose de 1 mg/kg trois fois par jour. Une insuffisance rénale, un état infectieux ou des contre-indications habituelles à cette classe de produit empêchent leur prescription.
Les antalgiques opioïdes faibles comme la codéine ou le tramadol ont peu d’indications lors d’une crise aiguë et sont prescrits dans le relais du traitement morphinique fort lorsque les douleurs s’atténuent.
Anxiété
Un état d’anxiété étant souvent associé, l’hydroxyzine (Atarax) est préférée aux benzodiazépines qui peuvent majorer une dépression respiratoire en association avec les morphiniques.
La répétition des crises douloureuses aboutit à un état de sensibilisation du système nociceptif ainsi qu’à une moindre efficacité des opioïdes du fait de la fréquence de leur administration. Le caractère rebelle des douleurs conduit à utiliser des produits comme la kétamine (prescription hors AMM) pour potentialiser l’effet des opioïdes, mais uniquement après concertation avec une équipe spécialisée dans le traitement de la douleur et sous une surveillance clinique étroite du fait du risque de survenue d’hallucinations.
L’inhalation de mélange équimoléculaire d’oxygène et de protoxyde d’azote (MEOPA, Kalinox, Medimix) a été proposée pour le soulagement de crises douloureuses. Néanmoins son administration limitée à une heure par jour, le risque de toxicité hématologique et neurologique en cas d’administration chronique le font utiliser surtout pour des actes douloureux tels que les pansements d’ulcère.
En cas de douleurs chroniques intenses, le recours à des morphiniques à libération prolongée est possible. Toutefois leur indication reste à évaluer périodiquement et en cas de survenue de douleurs aiguës, l’administration d’opioïdes doit prendre en compte cette prise chronique.
Une composante neuropathique à ces douleurs chroniques est l’indication de prescriptions d’antidépresseurs ou d’anticonvulsivants comme la pré-gabaline (Lyrica).
Comme pour toute maladie chronique douloureuse, le bénéfice d’un soutien psychologique régulier ou ponctuel est à considérer.
Nombreux types
Recouvrant de nombreux types de douleurs, les douleurs de la drépanocytose sont à soulager précocement et simultanément à la mise en route d’un traitement orienté par la physiopathologie du déclenchement de la douleur. Les morphiniques représentent aujourd’hui la base du traitement antalgique de la crise aiguë en sachant que leur effet n’est pas toujours complet et que des effets indésirables à court et moyen terme existent. En cas de douleur chronique, une prise en charge multidisciplinaire est la règle.
Références
(1) R.J. Dunlop, K.C. Bennett. Pain management for sickle cell disease. Acute Pain 2006 ; 8 134.
(2) E.J. Van Beers, C.F. Van Tuijin, P.T. Nieuwkerk, P.W. Friedrich, J.H. Vranken, B.J. Biemond. Patient-controlled analgesia versus continous infusion of morphine during vaso-occlusive crisis in sickle cell disease, a randomized controlled trial. Am J Hematol. 2007 ; 82 : 955-60.
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