La Fédération Addiction vient de publier un guide repère sur l'implication des usagers de drogues dans le parcours de soins et les structures de prise en charge. Nathalie Latour, déléguée générale de la Fédération Addiction, explique comment ce document, fruit de trois ans de travail intervient à un moment charnière, alors qu'une réflexion est engagée sur le rôle du patient expert et sa professionnalisation.
LE QUOTIDIEN : Qu'est-ce qui a motivé l'écriture de ce guide ?
NATHALIE LATOUR : Il y a quatre ans, nous avions travaillé sur les articulations entre le secteur sanitaire, le médico-social, les acteurs de la ville et les usagers. Nous avions alors constaté que les patients arrivaient dans les structures par de multiples portes. Il fallait ouvrir un chantier ambitieux pour impliquer ces personnes et tirer parti de leurs connaissances expérientielles.
Il y a plusieurs niveaux d'implication possibles pour les patients : l'investissement bénévole dans des groupes d'entraide, la participation aux comités d'usagers relais, mais pour certains individus, on peut aller jusqu'à la professionnalisation. Lors du prochain conseil d'administration de la Fédération Addiction, nous allons travailler sur ce point : évaluer jusqu'où il est possible d'aller sur la professionnalisation des patients.
Il existe des formations destinées aux patients experts, sont-elles adaptées aux usagers de drogues ?
Les formations qui existent sont, a priori, non suffisantes mais nous allons travailler avec elles pour identifier ce qui manque et pour les développer et les adapter. Certaines de ces formations sont très typées « sida » ou « santé mentale », des domaines avec lesquels nous sommes historiquement liés de par le recouvrement de nos populations. Il n'y a que peu d'aménagements à faire, et notamment toute la philosophie de la réduction des risques que nous devons transmettre.
Peut-on être patient expert en addictologie et toujours consommateur de drogue ?
C'est une question importante et débattue : est-ce qu'un médiateur en santé doit être dans un profil d'abstinence ? Ce n'est pas un postulat de principe pour nous. En population générale, des éducateurs et des assistantes sociales peuvent faire usage de substances. Nous collaborons en ce moment avec l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail dans des entreprises de différents secteurs comme la pêche et les transports. On se rend compte que les problématiques des usages de drogues ne sont pas fondamentalement différentes d'un secteur à un autre.
Certains pair-aidants ne sont plus des consommateurs, d'autres consomment toujours ou sont sous traitement de substitution, mais comme tous les salariés, ils font appel à leur savoir-faire et leur savoir être.
Pensez-vous que le cadre législatif français soit propice au développement des patients experts dans le domaine de l'addictologie ?
Oui et non… La loi de 2002 a mis en place un cadre pour la démocratie sanitaire et il y a un mouvement en faveur de l'implication des patients. Mais toutes les adaptations à faire peuvent être mises à mal par la tension entre la réponse sanitaire et l'organisation de la réponse pénale.
L'épisode du Covid-19 a montré quelques lacunes. La conférence nationale de santé, dont la Fédération Addiction fait partie, n'a pas été consultée pour la mise en place des mesures Covid-19.
À cause de la crise sanitaire, nous avons obtenu un assouplissement du cadre réglementaire d’accès aux traitements de substitution aux opiacés. C’est donc possible. On voudrait un peu plus de réactivité en temps habituel : on peut être découragés par le temps nécessaire pour combiner les données médicales et l'expérience des usagers afin de changer les pratiques.
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