Une nouvelle halte soins addictions (HSA) doit ouvrir ses portes au premier trimestre 2024 dans l’hypercentre de Marseille, au 110 boulevard de la Libération (4e arrondissement). C'est le troisième établissement de ce type en France après ceux de Paris et Strabourg.
Le lieu d’implantation a été validé début octobre par le comité de pilotage réunissant la préfecture, l’Agence régionale de santé (ARS), la ville, le tribunal judiciaire et les Hôpitaux universitaires de Marseille (AP-HM) ainsi que l’association Asud Mars Say Yeah, porteuse du projet. Tous attendent désormais le feu vert du ministère de la Santé à travers l’adoption d’un décret.
« On a vraiment l’impression de sortir d’une ornière dans laquelle on était depuis plusieurs années et d’arriver enfin à faire valoir ce projet », commente Stéphane Akoka, directeur de l’association Asud. Lui-même a pris ses fonctions début 2020 à la suite de l’échec d’une précédente tentative à l’hôpital de la Conception (AP-HM). Pas la première puisque le dossier est sur la table depuis 1994…
Les locaux, propriétés de la Ville, se trouvent à moins de 20 minutes des principaux lieux de consommation et de deal. Ils sont en bon état et répondent au cahier des charges. « On a conscience qu’on rentre vraiment dans le dur : le montage des travaux, la formation de l’équipe et surtout faire accepter par les riverains la mise en place de ce dispositif à côté de chez eux », poursuit Stéphane Akoka.
Prise en charge sociale et sanitaire complète pour les exclus
Le projet a été validé par l’ensemble des structures marseillaises de réduction des risques, regroupées dans un comité stratégique*. « Les haltes soins addictions offrent aux exclus parmi les exclus une prise en charge sociale et sanitaire complète », souligne Michèle Rubirola, première adjointe, chargée de la Santé, et médecin généraliste de formation. « C’est permettre à des hommes et des femmes en grande difficulté de sortir de la clandestinité. Il ne faut pas les réduire à leur seul statut de consommateurs de drogue. C’est un projet global qui permet la reconnaissance à la dignité à laquelle chaque citoyen a le droit », a-t-elle enchéri.
Avant le Conseil municipal, le 20 octobre, la médecin a été prise à partie par des riverains puis dans l'hémicycle par des élus d’opposition, à l'instar de Bruno Gilles (Horizons), ancien maire de secteur, qui s’élèvent contre l’ouverture de cette « salle de shoot ». Michèle Rubirola a ardemment défendu le projet, au programme du Printemps marseillais.
« Je rends hommage à mon maître, le Pr Jean-François Mattei (ancien ministre de la Santé, ndlr), qui a été le pionnier dans la réduction des risques », a-t-elle rétorqué, saluant aussi l’engagement du Dr Patrick Padovani, adjoint à la Santé sous l’ancienne municipalité qui avait porté le projet de salle à la Conception. « La concertation va se faire », a assuré l’élue qui a le soutien du maire de secteur Europe Écologie les Verts, Didier Jau.
80 à 100 passages par jour
La salle doit ouvrir 6 heures par jour, 365 jours par an et l’équipe compter une vingtaine de salariés, médecins, infirmiers, travailleurs sociaux et animateurs de prévention. Le budget de fonctionnement est estimé à 1,5 million, à faire aussi valider par le ministère de la Santé. « D’après nos estimations, on est sur une file active annuelle de 400 personnes avec 80 à 100 passages par jour », précise Stéphane Akoka d’Asud.
Le Dr Issa Koné, médecin généraliste dans le 1er et le 2e arrondissement depuis les années 1990 salue cette nouvelle étape. « Je suis amené à prendre en charge des usagers consommateurs de drogue. Toute structure pouvant aider à cette prise en charge est la bienvenue », réagit-il entre deux consultations, dans son cabinet de Belsunce.
Associée au projet, l’équipe mobile psychiatrie précarité de l’AP-HM, l’équipe Marss, a prévu de déménager aux côtés de la HSA. « On s’est rapproché des associations de réduction des risques car elles font le constat qu’il y a de plus en plus de personnes avec des troubles psychiques et nous, que les personnes qu'on suit sont de plus de plus consommatrices de substances psychoactives », explique la Dr Aurélie Tinland, responsable de cette équipe qui travaille dans la rue. « On est de plus en plus confronté à des personnes qui ont des pratiques dangereuses d’injection et de consommation », souligne la psychiatre.
« Elles sont très éloignées des soins et du droit commun, et ne se déplacent pas pour aller chercher du matériel stérile », explique Sophie Desrousseaux, infirmière. « Sur le terrain, on est face à des ulcères qui peuvent se compliquer à tous les niveaux. Le plus impressionnant, c’est l'état cutané catastrophique, mais le plus grave est que ça peut évoluer en endocardites », ajoute la soignante, insistant sur le risque de transmission du VIH et d’hépatite C.
À terme, l’équipe envisage de développer en lien avec l’AP-HM des consultations en cardiologie et maladies infectieuses et de contribuer à l’amélioration des protocoles de prise en charge des overdoses aux urgences.
Publiée en mai 2021, l’évaluation des salles de Paris et de Strasbourg par l’Institut national de la Santé et de la recherche médicale (Inserm) a démontré leur efficacité. Plus de 80 existent déjà en Europe, dont plus d’une quinzaine en Allemagne, d’après l’Observatoire européen des drogues et des toxicomanies. La plus ancienne a ouvert à Berne, en Suisse, en 1986.
* Parmi elles, les quatre centres d’accueil et d’accompagnement à la réduction des risques pour usagers de drogues (Caarud) de la ville (Protox de l’AP-HM, Sleep In Marseille du Groupe SOS, le Bus 31/32 et celui d’Asud) ainsi que les associations, Médecins du Monde, Vers Marseille sans sida et sans hépatites, Nouvelle Aubes, Aides, Addictions Méditerranée…
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