Abeilles, guêpes, frelons

Quand ça bourdonne et ça pique

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Publié le 07/05/2020
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Avec le déconfinement, retour des sorties champêtres et son corollaire attendu, les douloureuses piqûres d’hyménoptères. Fréquemment responsables de sensibilisation, elles doivent faire l’objet d’une prise en charge adaptée.
Frelon européen

Frelon européen
Crédit photo : DR

Frelon asiatique

Frelon asiatique
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Guêpe vespula

Guêpe vespula
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Bourdon

Bourdon
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Guêpe poliste

Guêpe poliste
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Abeille mellifère

Abeille mellifère
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Les hyménoptères responsables d’allergies en Europe sont les abeilles (Apidés), les guêpes (Vespidés et polistes), les frelons. L’aiguillon barbelé des abeilles reste implanté dans le derme, elles ne peuvent piquer qu’une fois, tandis que les guêpes peuvent repiquer. Les venins (0,5 à 2 µL par piqûre) comportent des substances de bas PM (10-50 kDa) : amines biogènes, peptides (mellitine, apamine), kinines. Après une première piqûre, une sensibilisation (IgEs positives) existe chez plus du tiers des sujets, puis disparaît en 5 à 10 ans en l’absence d’autre piqûre. La perte de sensibilisation est plus fréquente s’il s’agit d’une réaction initiale légère, d’un enfant, d’une piqûre de guêpe. Parmi les allergènes majeurs (reconnus par 90 % des sujets sensibilisés) on trouve la phospholipase A2 (Api m 1), la hyaluronidase (Api m 2), la mellitine (Api m 4) pour les Apidés ; l’antigène 5 (Ves v 5), la phospholipase A1 (Ves v 1), la hyaluronidase pour les Vespidés. Les frelons peuvent injecter une quantité importante de venin. L’allergène 5 (Pol d 5) des polistes croise avec vespula. Les réactions croisées sont importantes entre abeille et bourdon, vespula et frelon ; moindres entre vespula et polistes ; faibles entre abeilles et guêpes.

Des facteurs de risque de réaction sévère

Le risque de piqûre dépend du mode de vie (rural), des activités (plein air), de la profession (apiculteurs, jardiniers), de la proximité de ruches. Elle provoque normalement une douleur vive, puis un œdème inflammatoire non allergique (envenimation), surtout là où le tissu sous-cutané est lâche (visage, paupières). Les réactions anormales sont soit les réactions locorégionales de plus de 10 cm et plus de 24 heures, soit les réactions systémiques touchant tous les organes, classées selon une gravité croissante. Il existe aussi des réactions atypiques : maladies sériques, vascularites, névrites, encéphalites, syndrome de Guillain et Barré, surtout après plusieurs piqûres. Le syndrome de Kounis est une atteinte cardiaque allergique avec lésions coronaires.

L’atopie n’est pas un facteur de risque d’allergie. Les facteurs de risque de réaction sévère sont : l’âge (> 60 ans) ; les comorbidités (coronaropathie, troubles du rythme) et leur traitement (IEC, bêtabloquants) ; la mastocytose ; un asthme mal contrôlé ; des réactions antérieures sévères ; le type d’insecte (frelon > abeille > guêpe) ; le lieu de piqûre (bouche, larynx).

Que faire en pratique ?

Après la piqûre, il faut inactiver le venin en plaçant une source de chaleur (bout de cigarette incandescente) à 1-2 cm du point de piqûre, pour produire une chaleur locale de 50 à 60°C, puis enlever le dard sans appuyer sur la poche à venin, en grattant avec le dos d'un couteau : il ne faut pas utiliser de pince à épiler, elle risque de presser le sac à venin. Enfin, procéder à une désinfection locale. On appellera le Samu en présence de piqûres multiples (risque de réaction toxique). En cas de réaction locale importante, on utilise des pansements alcoolisés, anti-H1 et corticoïdes oraux. Une réaction systémique (anaphylaxie) doit être traitée par stylo auto-injecteur d’adrénaline IM, avec hospitalisation pendant au moins 24 heures pour surveillance.

Les indications de l’immunothérapie

Le diagnostic allergologique repose sur l’interrogatoire, les tests cutanés (TC) – prick tests et intradermoréaction – et le dosage des IgEs. Il faut éliminer un malaise vagal et les réactions toxiques (piqûres multiples), préciser le type et l’intensité des symptômes, l’appel ou non du Samu. Les TC, quantitatifs, sont effectués en milieu hospitalier, au moins 15 jours après la piqûre (période réfractaire négative). Plusieurs venins sont testés au cours de la même séance, avec un risque d’anaphylaxie d’environ 2 % des tests. Le dosage des IgEs contre les allergènes recombinants facilite l’identification de l’hyménoptère et le diagnostic des doubles positivités.

Quel que soit l’âge, l’immunothérapie allergénique (ITA) est indiquée en cas de réaction systémique modérée à sévère avec bilan allergologique positif, ou lors de réaction légère avec risque élevé de nouvelle piqûre (apiculteurs et leurs familles, qualité de vie altérée). Elle s’effectue par voie sous-cutanée, en milieu hospitalier, avec des venins purifiés, en utilisant un protocole ultra-accéléré de 3 h 30, à l’issue duquel on parvient à une injection de 40 µg. Elle dure de 3 à 5 ans, par injections de 100 µg toutes les 4 à 8 semaines. La protection est obtenue en fin de la phase d’induction. La négativation des TC et des IgEs est associée à une meilleure efficacité. Les injections de rappel peuvent être faites par un allergologue, médecin traitant, ou pédiatre sous réserve de respecter les conditions de sécurité et de traiter une anaphylaxie.

Pneumo-allergologue, pédiatre

Pr Guy Dutau

Source : Le Quotidien du médecin