Des craintes infondées face au coronavirus

Il faut poursuivre les traitements de l’asthme et l’allergie

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Publié le 07/05/2020
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Les informations contradictoires circulant à propos du Covid-19 ont généré des erreurs d’interprétation chez bon nombre d’asthmatiques et d’allergiques. Il y a urgence à y remettre de l’ordre et rassurer les patients.

Pour les 30 % de Français qui souffrent d’allergies, le Covid-19 est particulièrement anxiogène, puisqu’il peut s’attaquer à leur fonction respiratoire déjà fragilisée. Or des alertes émanant pour certaines du Ministère de la Santé ont semé le doute. Trois informations délivrées ont été sources de confusions :

Pas de surrisque de contracter le Covid-19 en ayant un asthme

« Lors des premières communications officielles autour du Covid-19, il a été avancé que les asthmatiques étaient à risque, au regard d’expériences antérieures avec d’autres virus, mais il a été démontré ensuite qu’il n’en était rien, surtout si leur asthme est bien contrôlé », note la Dr Madeleine Epstein, allergologue et vice-présidente du syndicat des allergologues de France. Dans une étude chinoise (publiée dans « Epidemiology and Genetics ») portant sur les caractéristiques cliniques et l’éventuel statut allergique de 140 patients infectés par le Covid-19 à Wuhan en février 2020, il n’a d’ailleurs été retrouvé aucun cas d’asthme. Les comorbidités les plus fréquentes étaient une hypertension artérielle (30 % des cas), un diabète (12,1 %), une hypersensibilité à un médicament (11,4 %) et une urticaire (1,4 %). Aucune maladie allergique n’a été rapportée. « Les asthmatiques ne sont donc pas plus sensibles au Covid-19 que les autres : il est très important de rassurer nos patients sur ce point, ce qui ne les dispense pas d’appliquer les mesures barrière, insiste la Dr Epstein. Il n’y a pas non plus de données indiquant que les personnes ayant un asthme non équilibré soient plus à risque de contracter le Covid-19 (a contrario, l’infection par le Covid-19 peut aggraver l’asthme). Néanmoins, lors de la prise en charge aux urgences de ces patients, les nébulisations (aérosols), qui peuvent disséminer le virus, sont déconseillées : mieux vaut avoir recours aux chambres d’inhalation. »

Pas d’effet délétère des traitements

Autre communication qui a prêté à confusion : l’idée que les anti-inflammatoires, et donc les corticoïdes, s’avéraient dangereux avec le Covid-19, sans préciser que cela ne concernait aucunement les corticoïdes inhalés des asthmatiques (et alors que les corticoïdes font désormais partie du protocole de traitement des formes sévères de Covid-19 !).

Dans le doute, certains asthmatiques ont interrompu leur traitement, parfois en dépit d’exacerbations et donc au risque de faire une décompensation grave. « Il ne faut pas hésiter à rappeler à nos patients, inquiets, que le traitement de fond de l’asthme repose sur les corticoïdes inhalés : ils permettent de contrôler leur inflammation bronchique et donc de diminuer les exacerbations de l’asthme, sans diminuer leurs défenses immunitaires. Nos patients doivent bien comprendre qu’ils ne doivent surtout pas interrompre leurs traitements. Cela concerne également les asthmatiques testés Covid-19 positifs (asymptomatiques ou malades) : eux aussi doivent continuer à prendre normalement leurs corticoïdes inhalés. Les stopper les exposerait au risque de décompensation respiratoire », poursuit la Dr Epstein. Évidemment, la crise grave doit continuer à être prise en charge. 

En cas d’allergie, là encore, il n’y a pas lieu de stopper ses antihistaminiques. Aucune donnée ne permet de dire que ces traitements posent problème en cas d’atteinte par le Covid-19. Il est aussi possible de recourir aux corticoïdes par voie nasale. Si une désensibilisation est en cours, il n’y a pas d’argument non plus pour l’arrêter. À noter que pendant le confinement les pharmaciens ont eu le droit de délivrer les stylos d’adrénaline auto-injectable en urgence, même en l’absence de nouvelle prescription médicale.

Des symptômes qui peuvent prêter à confusion

Qu’ils aient un asthme ou d’autres manifestations, nombreux sont les allergiques à s’inquiéter. En effet, les symptômes de l’allergie − rhinite, conjonctivite, toux sèche voire crise d’asthme et donc difficultés à respirer − peuvent parfois prêter à confusion avec un début d’infection à coronavirus. Ces signes sont fréquents en pleine saison pollinique. « Même en période de confinement, il est possible d’avoir un allergologue en téléconsultation : ce n’est pas parce qu’il ne peut pas faire de prick-test pour savoir quelle est la cause de l’allergie qu’il ne peut pas la traiter », rassure la Dr Epstein.

Si un patient asthmatique non contrôlé contracte le Covid-19, il doit rapidement se mettre en rapport avec son médecin ou appeler le 15 s’il est déjà gêné sur le plan respiratoire.

Entretien avec la Dr Madeleine Epstein (Paris)

Dr Nathalie Szapiro

Source : Le Quotidien du médecin