Remplacer la consommation d'aliments transformés et ultratransformés par une quantité équivalente de produits frais diminue le risque de plusieurs cancers, confirme une large étude menée par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ). Les résultats issus de la cohorte prospective Epic ayant inclus plus de 450 000 personnes dans 10 pays européens ont été publiés dans « The Lancet Planetary Health ».
Ce travail prenant en compte la survenue de cancers sur 25 sites anatomiques vient confirmer l'association observée précédemment, notamment dans l'étude française NutriNet-Santé. Les scientifiques du Circ et leurs collaborateurs vont plus loin en montrant que la substitution d'aliments industriels par une quantité équivalente de produits peu transformés devrait être intégrée dans les politiques de santé publique.
Cette approche « pourrait être une cible importante des stratégies de prévention des cancers », indique la Dr Nathalie Kliemann, du Circ et première autrice, soulignant qu'il reste néanmoins à définir « la meilleure façon d'atteindre ce type de transition alimentaire ».
Association aux maladies non transmissibles
Depuis les dernières décennies, la consommation d'aliments ultratransformés ne cesse de croître, contribuant entre 25 à 60 % de l'apport énergétique quotidien total dans les pays développés. Leur consommation est associée à l'obésité et aux maladies cardiovasculaires, à la dépression et à la mortalité toutes causes. Les effets cancérogènes de ce type d'alimentation s'expliqueraient par la prise pondérale entraînée, leur faible valeur nutritionnelle mais aussi les additifs et les composants néoformés.
Ici, l'équipe montre que le remplacement de 10 % d'aliments transformés est associé à une réduction du risque de cancer et plus particulièrement des cancers ORL, digestifs (œsophage, côlon, rectum, foie) et du sein à la ménopause. Et la substitution de 10 % d'aliments ultratransformés par 10 % de nourriture peu transformée s'accompagne d'une réduction des risques de cancer ORL, du côlon et du carcinome hépatocellulaire.
Dix pays européens
La cohorte a recruté les participants de mars 1991 à juillet 2001, indemnes de cancer à l'inclusion, pour un suivi allant jusqu'en décembre 2009 et décembre 2013 selon les registres nationaux des cancers. Vingt-trois centres (universitaires, hospitalo-universitaires et centres de recherche sur le cancer) ont collaboré en Europe, notamment en France mais aussi au Danemark, en Allemagne, en Grèce, en Italie, aux Pays-Bas, en Norvège, en Espagne, en Suède et au Royaume-Uni.
L'étude a croisé les données des cancers (registres, centres des cancers, assurance-maladie, suivi actif des patients) avec les questionnaires alimentaires, pour la plupart remplis par les patients, mais parfois renseignés en entretien en face-à-face par un professionnel (Italie).
Classification Nova
Pour ce travail, le degré de transformation des aliments était évalué à l'aide de la classification Nova, allant de 1 à 4. Le groupe 1 correspond à des aliments naturels ou des aliments naturels juste modifiés par certaines méthodes de conservation (pasteurisation, congélation, etc.) sans ajout de sel, de sucres, d'huiles ou de graisses : ce sont les fruits et légumes frais, surgelés ou séchés, les graines, la farine et les pâtes, la viande fraîche ou congelée, le lait, le café et les haricots. Le groupe 2 comprend les aliments tirés du groupe 1 ou de la nature tels que les huiles, les graisses, le sucre et le sel.
Le groupe 3 correspond à des aliments transformés : produits industriels avec des aliments des groupes 1 et 2 (conserves, mise en bouteille), fromages, pains, bière, vin, poisson fumé. Le groupe 4 est celui des aliments ultratransformés, la plupart industriels, formulés avec ajout de sel, de sucres et de graisses, contenant des additifs et présentés sous plastique : saucisses, jambon, produits à base de viande, boissons sucrées, pains et brioches industrielles, snacks sucrés et salés, chocolat et plats à emporter.
Une offre croissante sur le marché
Il est probable que le phénomène rapporté par Epic soit sous-estimé. Les chercheurs font en effet remarquer que la classification Nova repose sur des données collectées il y a plus de 20 ans. « Depuis lors, la présence de produits ultratransformés sur le marché a substantiellement augmenté », écrivent-ils. Dans l'étude, l'apport des produits ultratransformés représente 32 % de l'apporté énergétique quotidien. « Mais, actuellement, cela pourrait représenter 60 % (...) dans les pays européens », ajoutent-ils. Cela pourrait expliquer que, dans l'étude, l'association observée entre cancers et alimentation ultratransformée soit moins forte que celle retrouvée avec l'alimentation transformée.
« L'alimentation transformée a longtemps été suspectée de jouer un rôle dans le développement du cancer (...), indique la Dr Inge Huybrechts, du Circ et autrice senior. Ces résultats apportent de nouvelles preuves sur le rôle potentiel de la nourriture transformée dans le développement du cancer et peuvent aider à mettre en place des politiques nutritionnelles de santé publique. »
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