En France, 12 580 nouveaux patients atteints ont été pris en charge en 2012, faisant de l’adénocarcinome du pancréas (AP) la deuxième cause de cancer digestif. On estime qu’en 2020, l’AP sera la seconde cause de mortalité par cancer. On sait maintenant qu’il n’y a pas un seul cancer mais plusieurs sous-types (ex : squameux, progéniteur, immunogénique ou « ADEX » [aberrantly differentiated endocrine exocrine]), ce qui peut expliquer l’évolution et la réponse tumorale variées d’un malade à un autre. Les mutations germinales de BRCA2 confèrent une sensibilité majorée aux molécules ciblant l’ADN (sels de platine, mitomycine C), de même qu’aux inhibiteurs de poly (ADP-ribose) polymérase (PARP), tels que l’olaparib, le rucaparib, le talazoparib ou le veliparib, actuellement testés en phase II-III, seuls ou associés à une chimiothérapie. Des mutations somatiques de BRCA2 ou d’autres gènes de réparation de l’ADN, sont présentes dans 15 % des AP sporadiques, mais les traitements sus-cités seraient moins actifs qu’en cas de mutation germinale.
Moduler l’activité du stroma
L’étude du micro-environnement de l’AP est très en vogue. La réaction stromale fibreuse (desmoplastique), dense et abondante, est formée d’un excès de protéines de la matrice extracellulaire, et de types variés de cellules (stellaires endothéliales, péricytes, immunitaires : lymphocytes, macrophages, cellules dendritiques…). En cas d’inflammation ou de cancer, les cellules stellaires produisent des protéines de la matrice. La pression interstitielle s’élève alors qui comprime les microvaisseaux et freine ainsi la diffusion des molécules de chimiothérapie. Ces cellules matricielles interagissent avec les cellules cancéreuses, en recrutant des cellules immunitaires protumorales et en empêchant l’accès des lymphocytes T cytotoxiques, et favorisent ainsi la croissance tumorale et la résistance aux traitements. Mais la déplétion « thérapeutique » des cellules stellaires de l’AP dérègle le micro-environnement et l’immunité locale de façon défavorable, rendant les tumeurs plus indifférenciées et plus invasives. Ainsi, les recherches actuelles visent à moduler l’activité du stroma plus qu’à le réduire. Les antagonistes du TGF-β (ex. le trabedersen, un oligonucléotide antisens ciblant le TGF-β2), qui réduisent l’invasion et la migration des cellules tumorales in vitro et l’invasion ganglionnaire et métastatique à distance in vivo, ont donné un signal intéressant en termes de survie (médiane : 13,4 mois) chez un petit nombre de malades traités, avec une réponse tumorale complète dans un cas. Une étude de phase III utilisant le galunisertib, inhibiteur du récepteur de type I du TGF-β, s’est avérée négative mais cette molécule pourrait rester intéressante pour les AP à faible expression de TGF-β1.
Comme pour le ciblage des cellules stellaires, l’évolution ambivalente avec les inhibiteurs du TGF-β pourrait s’expliquer en partie par les effets non univoques sur les cellules stellaires, tumorales et immunitaires. Contrairement à ce qu’on observait avec les inhibiteurs de sonic Hedgehog, la réduction de la fibrose par les inhibiteurs de FAK n’entraînerait pas d’accélération de la progression tumorale, du fait d’un effet positif sur l’immunité locale (diminution des cellules immunitaires immunosuppressives). Une autre protéine de la matrice, l’acide hyaluronique (HA), est également ciblée. Le PEGPH20 dégrade l’HA du stroma, ce qui réduit la pression interstitielle intratumorale et améliore la perfusion tumorale et donc l’exposition le passage de la chimiothérapie. Une étude de phase II a montré une amélioration de la survie sans progression chez les malades avec une riche expression intratumorale d’HA. D’autres travaux ciblent les protéines CTLA-4 (cytotoxic T-lymphocyte-associated protein 4) et PD-1 (programmed cell death-1) qui participent à l’échappement des cellules cancéreuses au système immunitaire. Ces molécules doivent être sans doute associées à d’autres immunomodulateurs pour exercer un effet antitumoral dans l’AP.
Alors que les tumeurs KRAS mutés sans instabilité des microsatellites (MSS) ne répondent pas à l’immunothérapie, elles pourraient être sensibles à l’association d’un MEK inhibiteur et d’un anti-PD-L1. Un espoir est que l’inhibition de l’axe CCR2/MCP-1 et de FAK, associée aux anti-PD1/PD-L1, puisse rendre enfin l’AP sensible à l’immunothérapie.
Le traitement adjuvant après chirurgie a fait l’actualité en 2016 : l’essai ESPAC-4 comparant gemcitabine à gemcitabine-capécitabine était positif en faveur de l’association (survie à 5 ans : 28 % vs 16 %) et on attend la publication définitive ; parallèlement, les études PRODIGE 24 (testant l’association Folfirinox) et APACT (testant l’association gemcitabine- nab-paclitaxel) ont terminé leur recrutement.
À côté de ces traitements antitumoraux, l’amélioration des soins de support et une plus grande la rapidité d’accès des malades aux centres experts sont deux axes d’intérêt majeur.
Finalement, même sans révélation fracassante, on avance ! L’INCa lance en 2017 un plan d’action (PAIR) dédié à ce cancer : le symbole est fort.
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