L’école de socio-esthétique de Tours

Depuis 30 ans, un outil devenu indispensable

Publié le 15/03/2011
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Crédit photo : DR

DE NOTRE CORRESPONDANTE

MARIE AUDE TORRÈS, directrice de l’école, précise d’emblée : « Pour nous, la socio-esthétique telle que nous la concevons, ce n’est pas de l’esthétique d’hôpital. Dans ce dernier cas, ceux qui la pratiquent sont des personnels soignants qui sont formés "en complément" à l’esthétique, en suivant une formation accélérée d’une vingtaine d’heures, tout en gardant aussi leur fonction de soignant. Il y a là un mélange des genres auquel nous n’adhérons pas. Les socio-esthéticiennes ne sont pas des soignantes médicales. » Et elle poursuit pour mieux préciser : « Leur toucher sur les personnes est différent de celle d’une infirmière ou d’une aide-soignante. Toujours pratiqué dans un but d’embellissement, il est source de détente et de mieux-être. Les socio-esthéticiennes s’adressent à l’individu et non au patient, au résident ou au détenu. Par là, elles aident les personnes à conserver leur identité et à retrouver l’estime de soi malgré la maladie, la vieillesse ou la désinsertion sociale. »

Le Pr Olivier Lefloch a dirigé le pôle Cancérologie du CHU de Tours. Il est aujourd’hui président du CODES. « En voyant l’apaisement et la dignité retrouvée de mes patients après le passage de la socio-esthéticienne, j’ai tout de suite été convaincu de son intérêt au sein de l’équipe », souligne-t-il.

L’école existe depuis trente ans. Elle a été fondée par Renée Rousière, une bénévole persuadée que « l’estime de soi passe par l’image de soi, que l’attention portée au corps est un outil indispensable à toute prise en charge globale des individus fragilisés ». Elle a su convaincre médecins et responsables administratifs qu’une esthéticienne avait sa place dans les équipes des établissements sanitaires et sociaux. Elle croyait aussi que les esthéticiennes devaient être formées et que la seule bonne volonté ne suffisait pas.

700 professionnelles formées.

L’école dispense une formation théorique et pratique de 13 semaines répartie sur 8 mois. Les modules médicaux (cancérologie, dermatologie, psychiatrie..) et sociaux (addictologie, précarité..) sont assurés par des praticiens hospitaliers, des psychologues, des infirmières et des cadres de santé et de structures sociales. Les cours ont lieu au sein des hôpitaux de Tours et de Saint Maurice dans la région parisienne. Les inscriptions sont ouvertes, après deux années de pratique, aux esthéticiennes titulaires d’un diplôme d’état (CAP, BP, BTS). Depuis son ouverture, l’école a formé plus de 700 professionnelles. Celles-ci travaillent dans le cadre d’équipes pluridisciplinaires aux seins des hôpitaux, EPHAD, centre de détention, associations de réinsertion. Elles sont salariées de ces structures car « notre principe c’est la gratuité pour la personne », précise Marie Aude Torres.

Après 15 ans d’un parcours de commerciale pour des grandes marques de cosmétiques (Pacco Rabanne, Nina Ricci, Prada), Corinne Chenet décide de réorienter sa carrière. « Vers la quarantaine j’ai eu besoin d’autre chose, de travailler avec une dimension humaine et sociale », assure-t-elle. Aujourd’hui, elle est socio-esthéticienne dans les services de soins palliatifs et d’oncologie de l’hôpital des Diaconesses à Paris. « Ma fonction est d’accompagner les personnes dans ces périodes difficiles de leur vie. Je leur apporte un moment de bien-être. J’ai du temps à leur consacrer, les infirmières et le personnel soignant sont toujours débordés de travail », explique-t-elle. L’ancienne commerciale se sent parfaitement intégrée dans le service. « J’ai pleinement ma place dans l’équipe et je participe au staff toutes les semaines. Je suis un relais et mon rôle est complémentaire », se réjouit-elle.

Julie Merlin 28 ans a eu, elle, un parcours d’esthéticienne plus classique, 6 années passées dans les instituts de beauté. Elle aussi a ressenti le besoin de contacts approfondis et plus privilégiés. Elle obtient un financement et intègre l’école du CODES. Depuis 2 ans, elle est salariée du CHU de Tours et intervient dans différents services comme la psychiatrie ainsi qu’à l’hôpital pédiatrique de Tours en oncologie et hématologie. « Les petites filles sont très demandeuses de maquillage et de beauté des ongles. Il est important aussi de s’occuper des adolescents qui ont, comme souvent à cet âge, des problèmes de peau », confie-t-elle. La socio-esthéticienne sait qu’elle a beaucoup de chance de pouvoir vivre de ce métier : « Souvent c’est galère, une demi-journée par ci par là. On a besoin de nous dans les services hospitaliers et les maisons de retraite mais on se heurte aux problèmes de financement de ce genre de poste. »

 Dr FRANÇOISE DUBERT

Source : Le Quotidien du Médecin: 8923