Les substances per- et polyfluoroalkylées (appelées couramment les PFAS) continuent à faire parler d’elles. L’association Générations futures et le réseau Pesticide Action Network Europe tirent une nouvelle sonnette d’alarme concernant ces substances chimiques contenant des liaisons carbone-fluor.
Dans un rapport publié ce jeudi 9 novembre et intitulé « Pesticides PFAS : révélations », ils alertent sur la présence de ces substances actives dans une trentaine de pesticides utilisés en Europe. Les PFAS sont suspectées d'effets cancérogènes, sur la reproduction ou encore sur le foie, la réponse immunitaire et le système endocrinien.
« Ces substances sont préoccupantes parce qu’elles ont des effets nocifs sur l’environnement et la santé à très faibles doses. Or, du fait de leur utilisation importante et directement dans les sols, elles s’accumulent dans l’environnement », explique Pauline Cervan, toxicologue en charge des questions réglementaires et scientifiques pour Générations futures. Avant d'expliciter : « Nous savions déjà que certaines substances actives des pesticides étaient des PFAS mais nous ne savions pas précisément lesquels étaient concernés. »
Les ONG ont dû attendre la liste des PFAS commercialisées en Europe, établie par l'Allemagne, le Danemark, les Pays-Bas, la Norvège et la Suède en début d’année. Ces cinq pays ont en effet soumis une proposition de restriction des PFAS à l'Agence européenne des produits chimiques (ECHA), dans le cadre du règlement Reach de l'Union européenne.
À partir de ce document, Générations futures et le réseau Pesticide Action Network Europe ont « constaté l’ampleur de leur utilisation » : 12 % des substances actives dont l'utilisation dans les pesticides est actuellement autorisée en Europe sont des PFAS (soit 30 molécules sur 306). En France, il s’agit de 13 % des substances synthétiques autorisées « et leurs ventes ont connu une augmentation impressionnante de 2008 à 2021 ! », s'exclame-t-elle. En effet, elles ont triplé en 13 ans pour atteindre plus de 2 300 tonnes en 2021 et « ces pesticides sont utilisés pour tous types de cultures, notamment le flufénacet ou le diflufenican, des herbicides épandus sur les grandes cultures céréalières ».
Des « polluants éternels »
Les liaisons carbone fluor, particulièrement stables, confèrent aux PFAS des propriétés diverses (antiadhésive, hydrophobe, lipophobe…) et sont donc prisées par les industriels. Leur présence dans les pesticides résulte d’un ou plusieurs groupe(s) trifluorométhyle (-CF3), « introduits délibérément », insiste Pauline Cervan, dans leur structure moléculaire afin de rendre ces herbicides, antifongiques et insecticides plus stables et donc efficaces sur des périodes plus longues.
Cette « stabilité » est ainsi l’origine de leur persistance dans l’environnement, « soit liée la substance elle-même, soit aux métabolites qu’elle génère » lors de sa lente décomposition, à l'origine de l'appellation « polluant éternel ». La toxicologue prend l’exemple du TFA, métabolite généré par le flufénacet, pour lequel il faut attendre plus de 10 000 jours pour que sa concentration diminue de moitié dans les sols. « Les métabolites sont plus solubles dans l’eau et plus persistants, leur potentiel de lessivage est particulièrement élevé », s'inquiète-t-elle également, notant un risque important de contamination des nappes phréatiques.
Mais la surveillance des PFAS n’est pas encore obligatoire en France pour l’eau potable. « Une liste de 20 PFAS à surveiller dans les eaux potables à partir de 2026 a été établie mais n’inclut pas les PFAS pesticides ou les métabolites », précise François Veillerette, porte-parole de l'association.
Des « failles » dans la réglementation
« La proposition de restriction universelle ne concerne pas les PFAS pesticides, regrette également Pauline Cervan. Ils ont été exclus du projet sous prétexte qu’ils sont déjà régulés par un règlement spécifique. » Or, l’association déplore des « failles dans les évaluations ». « Le règlement européen sur les pesticides suffirait s’il était bien appliqué, il est ambitieux et protecteur envers les personnes et l’environnement, mais ce système ne semble pas fonctionner », constate-t-elle.
Pauline Cervan cite : « Il y a des substances qui répondent aux critères d’exclusion mais qui sont toujours utilisées. Par exemple, l'État membre rapporteur a estimé en 2018 que le diflufénican satisfaisait à tous les critères PBT (1), pourtant son approbation a été allongée de cinq ans. Ou le flurochloridone, classé toxique pour la reproduction catégorie 1B (2) par l’ECHA en 2018 et prolongé jusqu’en 2026 ».
Les deux ONG demandent d’inclure les « PFAS pesticides » dans la proposition de restriction universelle. Elles sollicitent également la Commission européenne « pour considérer les données relatives à la persistance des substances actives ou de leurs métabolites comme un effet inacceptable et interdire les substances pour ce seul motif ».
(1) critères d'identification des substances persistantes, bioaccumulables et toxiques
(2) présumée toxique pour la reproduction humaine
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