« Lors du design de l’étude en 2003, les recommandations sur le suivi des patients opérés d’un cancer du poumon étaient très hétérogènes et, en France, la pratique reposait sur la clinique, le scanner thoracique et la fibroscopie bronchique. Si la plupart des recommandations actuelles des sociétés savantes prônent l’examen clinique et le scanner thoracique, cela ne repose que sur des avis d’experts. Il n’y a aucune donnée avec un bon niveau de preuve et en particulier aucun essai randomisé permettant de justifier l’utilisation du scanner thoracique », explique la Pr Virginie Westeel, pneumologue au CHRU de Besançon.
Une méthodologie robuste
Avec 1 775 patients inclus et la participation de plus de 150 centres français, cet essai a fait preuve d’une méthodologie solide. Il intègre également tous les modes d’activité en France (services hospitaliers universitaires, hôpitaux généraux, cliniques privées, cabinets de pneumologie privés…) et concerne pneumologues et oncologues.
Les patients étaient randomisés entre un bras « minimal », qui comprenait l'examen clinique et des radiographies de thorax, et un bras « maximal » qui comportait en plus des scanners thoraco-abdominaux et, en cas de carcinomes épidermoïdes ou à grandes cellules, une fibroscopie bronchique. Dans les deux groupes, le rythme de suivi était équivalent : tous les 6 mois pendant 2 ans puis annuellement jusqu’à 5 ans.
Parmi les patients inclus, 82 % étaient à un stade précoce de la maladie (stades I-II), environ 40 % recevaient un traitement postopératoire (chimiothérapie et/ou radiothérapie), 12 % avaient reçu un traitement pré-opératoire et 7 % une radiothérapie péri-opératoire.
Scanner thoracique et survie : un lien pas si évident…
« L’hypothèse de l’étude était que le scanner permettait de détecter plus précocement les récidives et seconds cancers et donc d’augmenter la survie sauf que ce n’est pas si évident que ça… ».
En effet, la survie globale (objectif principal de l’essai) ne s’est finalement pas avérée différente entre les deux groupes. Cependant, sur la fin de la période étudiée, les courbes semblent diverger. Une analyse exploratoire a donc été menée…
« On n’observe pas la survenue des mêmes évènements en début de suivi que par la suite. En début de suivi, les évènements sont plus agressifs car il s’agit plus souvent d’une récidive de la maladie que d’un second cancer, alors que plus le temps passe et plus ils signent le début d’une nouvelle maladie. Ces événements n’ont probablement pas la même cinétique d’évolution ».
Dans l’essai, il a été choisi de réaliser un scanner tous les 6 mois pendant 2 ans car, d’après la littérature, il s’agirait du seuil à partir duquel on commencerait à observer moins de récidives mais davantage de seconds cancers. Effectivement, les résultats montrent que chez les patients récidivant dans les 2 ans, il n’y a entre les deux groupes aucune différence en termes de survie. Par contre, chez les patients n’ayant pas récidivé dans les 2 ans, une différence significative est observée en faveur du groupe scanner.
Réduire la fréquence des scanners dans les 2 premières années
« Cela sous-entend que détecter plus tôt les récidives n’apporte aucun bénéfice de survie. En revanche, chez les patients qui développent un deuxième cancer, c’est le même principe que le dépistage. Si on découvre sur le scanner un petit nodule, il vaut mieux le traiter à ce stade. Dans ce cas, on offre aux patients un bénéfice en détectant plus tôt. En somme, avancer la détection d’une récidive a sûrement beaucoup moins d’impact sur la survie que d’avancer la détection d’un deuxième cancer ».
« D’après ces résultats, il n’y a probablement pas d’intérêt à faire un scanner tous les 6 mois pendant la période à haut risque de récidive, c’est-à-dire pendant les 2 premières années. Par contre, au-delà de 2 ans, cela pourrait avoir un intérêt d’après l’analyse exploratoire. Comme pour le dépistage, on pourrait privilégier les scanners à faible dose et sans injection. Dans le cadre du dépistage, un scanner thoracique est réalisé 1 fois par an, soit 3 scanners de suite espacés d’un an. Après on ne sait pas quand il faut recommencer ni à quel rythme… Les mêmes questions se posent pour la surveillance des patients opérés d’un cancer du poumon. Finalement, les problématiques entre le dépistage et le suivi à long terme des opérés se rejoignent ».
Ainsi, cette étude pourrait influencer les recommandations. Elle pourrait amener à maintenir le suivi scanographique en diminuant sa fréquence les deux premières années de suivi.
À la prochaine « World Conference on Lung Cancer », cette étude sera présentée avec le détail des deuxièmes cancers et des récidives. De plus, une analyse de qualité de vie est prévue. Elle évaluera la perception des patients par rapport à la réalisation (ou pas) de scanners et la pénibilité des examens.
D’après la présentation orale et l’interview de la Pr Virginie Westeel (service de pneumologie du CHRU de Besançon) lors du congrès de l’ESMO (European Society of Medical Oncology, 8-12 septembre à Madrid).
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