Une enquête parue dans la revue Supportive Care in Cancer et réalisée auprès de patients atteints de cancer pointe leur manque de connaissances concernant la potentielle toxicité rénale des médicaments anticancéreux.
« Les effets secondaires rénaux des médicaments anticancéreux peuvent être directs ou indirects », explique au Quotidien le Dr Matthieu Delaye, oncologue médical à l’Institut Curie, qui a piloté l’étude avec la Dr Pauline Corbaux du CHU de Saint-Étienne. Les effets indirects sont notamment liés au fait que « les médicaments peuvent entraîner une diarrhée et conduire à une déshydratation qui va abîmer les reins ».
Pour mieux comprendre le niveau de connaissances des patients au sujet de ces toxicités rénales, des néphrologues et des oncologues médicaux du Grifon ont élaboré un questionnaire en 12 questions. Au total, 621 patients pris en charge dans huit unités de jour entre novembre 2021 et janvier 2022 ont répondu à cet autoquestionnaire ; 84,5 % présentaient une tumeur solide et 15,5 % une hémopathie maligne.
Parmi l’ensemble des patients interrogés dans l’étude, 61,5 % ont déclaré avoir été traités par au moins une ligne de chimiothérapie, 19 % par immunothérapie et 18,7 % par au moins une thérapie ciblée.
Ils étaient 34,3 % à déclarer connaître des effets indésirables rénaux liés à leur traitement anticancéreux, aucune différence n’ayant été retrouvée en termes de sexe, de type de tumeur (solide ou hématologique), de nombre et de type de comorbidités, de nombre et de type de traitements anticancéreux ou de centre.
« Cela confirme notre ressenti : nous avions l’impression que le sujet des toxicités rénales était insuffisamment abordé en consultation », commente le Dr Delaye, précisant que l’information n’est parfois pas donnée du tout mais qu’elle peut aussi l’avoir été sans avoir été intégrée par les patients.
Une fiche pratique destinée aux patients disponible en ligne
Parmi les patients ayant déclaré avoir des connaissances sur la toxicité rénale associée aux traitements contre le cancer, 67,8 % ont indiqué que leur source d’information était l’oncologue ou l'hématologue référent, devant les médecins de l'unité de jour (20,7 %), les infirmières de l'unité de jour (15,9 %), le médecin généraliste (14,9 %) et internet (5,8 %).
Par ailleurs, 38,5 % de tous les patients ont déclaré connaître certaines mesures de protection rénale, sans différence significative selon le sexe, le type de tumeur, le nombre et le type de comorbidités, le nombre et le type de traitements antitumoraux ou le centre.
Parmi ces patients, 93,2 % ont cité une hydratation suffisante avec de l'eau plate comme mesure permettant de protéger les reins et 52,6 % la prévention des nausées et des vomissements.
Concernant les mesures pour corriger la déshydratation, la consommation d'eau plate et d'eau alcaline a été choisie par respectivement 64,4 % et 16,8 % des participants. « L’apport de sel est essentiel en cas de déshydratation, soit par une eau riche en sodium soit par l’alimentation, tout comme l’arrêt des traitements antihypertenseurs », précise l’oncologue.
Les patients ont par ailleurs exprimé un fort intérêt concernant le fait de recevoir des informations sur la toxicité rénale potentielle des traitements anticancéreux (avec un score moyen de 7,44/10 sur l’échelle Likert qui permet d’évaluer le niveau d’adhésion à une question), principalement en ligne, via des informations écrites (37,7 % des patients) ou des vidéos (17,6 %). À noter toutefois que 27,9 % des patients préféraient avoir des informations par le biais d’une consultation. « Il faut multiplier les supports pour que l’information soit visible par le plus grand nombre de patients », souligne ainsi le Dr Delaye.
Une fiche pratique a été élaborée à la suite de ce travail et est disponible sur le site du Grifon. Elle vise à fournir aux patients les éléments essentiels à connaître concernant la protection des reins. En parallèle de cette étude menée chez les patients, les médecins du Grifon ont également réalisé un travail équivalent chez les professionnels de santé qui a fait l’objet d’une publication en 2022 dans le Journal of Cancer Education. Cette étude soulignait le fait que les oncologues étaient en demande d’une meilleure formation en néphrologie.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?