Cancer gastrique

L’arrivée remarquée de l'immunothérapie

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Publié le 27/10/2020
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Dans les cancers gastriques, œsophagiens et de la jonction gastro-œsophagienne, réputés de mauvais pronostic, l'immunothérapie associée à la chimiothérapie vient largement majorer en première ligne la survie sans progression (SSP) et la survie globale (SG). Pour la première fois, elle fait aussi ses preuves en adjuvant dans les cancers de la jonction. Résultats présentés dans une session présidentielle dédiée aux cancers gastriques.
 Un bénéfice particulièrement intéressant en cas de score PD-L1 combiné ≥ 5

Un bénéfice particulièrement intéressant en cas de score PD-L1 combiné ≥ 5
Crédit photo : Phanie

Deux études, CheckMate 649 (1) et Attraction 4 (2), ont testé en première ligne l'ajout d'une immunothérapie anti-PDL1, le nivolumab, à la chimiothérapie de référence dans les adénocarcinomes gastriques avancés (non HER-2), de la jonction œsophagienne et ceux de l'œsophage.

Nivolumab-chimiothérapie dans les adénocarcinomes

Les deux essais mettent en évidence un bénéfice significatif, même s’il est plus restreint dans l'étude asiatique. Le bénéfice est global et retrouvé dans tous les sous-groupes. Il s'avère néanmoins particulièrement intéressant chez les patients présentant un score PD-L1 combiné ≥ 5. « C'est pourquoi la combinaison nivolumab-chimiothérapie devrait devenir le standard de traitement en première ligne dès un score PD-L1 de 5. Alors que la question du traitement des patients présentant un score compris entre 1 et 5 risque, pour sa part, de rester ouverte », commentait le Pr Salah-Eddin Al-Batran (Franckfort, Allemagne).

L’essai international CheckMate 649 porte sur près de 1 600 patients naïfs de traitement, porteurs de carcinomes gastriques non HER2, de la jonction ou de l'œsophage non opérables, avancés ou métastatiques. Il a comparé le nivolumab associé à la chimiothérapie (XELOX ou FOLFOX) versus chimiothérapie seule, avec un suivi minimum d'un an. Les patients ont été recrutés quel que soit leur statut PD-L1 mais 60 % d'entre eux avaient un score PD-L1 CPS ≥ 5.

Les résultats montrent que l'association nivolumab-chimiothérapie allonge significativement la SSP et la SG. Chez les 900 patients à statut PD-L1 ≥ 5, la SG médiane atteint 14,4 mois avec la combinaison versus 11,1 mois (RR = 0,71; p < 0,0001) et la SSP s’élève à 7,7 versus 6,1 mois (RR =0,68; p < 0,0001). Chez les 1 200  patients à statut PD-L1 ≥ 1, on est en SG médiane à 14 versus 11,3 mois (RR = 0,77; p = 0,0001). Enfin, sur l'ensemble des 1 600 patients quel que soit leur statut PD-L1, la SG est de 13,8 versus 11,6 mois (RR = 0,80; p = 0,0002).

En termes de tolérance, on n'a pas plus de toxicités grades 3-4 dans un bras que dans l'autre, mais néanmoins plus d'interruptions de traitements (38 % vs 25 %).

L’étude Attraction 4 est exclusivement asiatique et porte sur plus de 700 patients comparables à CheckMate 649. À l'analyse finale, après 26 mois de suivi moyen, la SG médiane n’est pas significativement améliorée (17,5 vs 17,2 mois ; RR = 0,90; NS), a contrario de la SSP qui est significativement prolongée. Ceci au prix de peu de différences en termes d'effets secondaires graves (grades 3-4 : 58 % vs 49 %) [2].

Pourquoi cette différence de résultats entre CheckMate 649 et Attraction 4 ? « Il est probable qu'en Asie les patients qui progressaient aient été plus lourdement retraités que dans l'essai international avec à la clé une meilleure survie », suggère le Pr Al-Batran.

Un bénéfice majoré sous pembrolizumab dans les épidermoïdes CPS ≥ 10

Menée sur 750 patients, une troisième étude KEYNOTE 590 testait en première ligne le pembrolizumab associé à la chimiothérapie (versus chimiothérapie-placebo) dans les cancers épidermoïdes (73% des cas) et adénocarcinomateux de l’œsophage ou de la jonction œsogastrique métastatiques (3). À nouveau, les résultats sont sans appel. Après un suivi médian de 11 mois, la SSP atteint 6,3 mois avec l’association versus 5,8 mois sous chimiothérapie (RR = 0,65 ; p < 0,00001) et la SG 12,4 versus 9,8 mois (RR = 0,73; p < 0,00001). Le bénéfice est encore majoré chez les sujets présentant un score CPS ≥ 10, avec une SSP de 7,5 versus 5,5 mois. Quant à la SG, elle s'élève à 13,9 versus 8,8 mois (RR = 0,57; p ≥ 0,0001) dans les tumeurs épidermoïdes à score CPS ≥ 10, soit une réduction de 43% du risque de décès chez ces sujets.

Et en adjuvant ?

Chez près de 800 patients, l'essai CheckMate 577 a évalué le nivolumab en traitement adjuvant, versus placebo, dans les cancers de l'œsophage après radiochimiothérapie néoadjuvante et chirurgie (4). Le nivolumab en adjuvant est associé à un doublement de la survie sans récidive (11 versus 22 mois, HR = 0,69, p = 0,0003). C'est une grande première car c'est la toute première fois qu'un traitement adjuvant fait ses preuves dans l'œsophage.

(1) Moehler M. et al. abstr LBA6_PR
(2) Boku N. et al. abstr LBA7_PR
(3) Kato K. et al. abstr LBA8_PR
(4) Kelly R.J. et al. abstr LBA9_PR

Pascale Solere

Source : Le Quotidien du médecin