Au stade adjuvant des tumeurs mammaires

Un anti-CDK4/6 réduit de 25 % le risque de rechute invasive

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Publié le 27/10/2020
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Dans les cancers du sein précoces à haut risque avec récepteurs hormonaux positifs (HR+) et HER2-, l'adjonction d'abemaciclib en adjuvant réduit d'un quart le risque de rechutes invasives à deux ans.
Une activité en première ligne dans des formes précoces à haut risque de récidive

Une activité en première ligne dans des formes précoces à haut risque de récidive
Crédit photo : Phanie

L’inhibiteur CDK4/6, l'abemaciclib, avait déjà métamorphosé ces dernières années la prise en charge des formes métastatiques. Aujourd'hui, dans l'étude monarchE, il montre son activité en première ligne dans des formes de cancers du sein précoces non avancées (HR+, HER2-) mais à haut risque de récidive dans les 10 ans, locales ou métastatiques, malgré la chirurgie, la radiothérapie, la chimiothérapie et l'hormonothérapie (1). « C'est la première fois depuis 20 ans qu'il y a une avancée dans ces cancers précoces à haut risque, représentant 20 % des tumeurs précoces. C'est très important et cela devrait modifier nos pratiques », commente le Pr Giuseppe Curigliano (Milan, Italie).

Plus de 5 000 patientes incluses

L'essai ouvert de phase III monarchE porte sur des cancers du sein précoces non avancés HR+, HER2- à haut risque présentant au moins quatre nodules positifs (ou un à trois nodules avec au moins l'un d’eux de taille ≥ 5 cm), une histologie de grade 3 ou un Ki-67 central ≥ 20 %. Au total, plus de 5 600 femmes ont été incluses dans ce vaste essai une fois la séquence chirurgie, radiothérapie, chimiothérapie réalisée. Le traitement hormonal était laissé au choix de l'investigateur. Ces femmes ont été randomisées en deux bras, hormonothérapie seule ou hormonothérapie-abemaciclib.

Au terme des deux ans de traitement, la combinaison hormonothérapie-abemaciclib s'est montrée significativement plus efficace en termes de survie sans maladie invasive que l'hormonothérapie seule : 92,2 % de femmes sans maladie invasive versus 88,7 %, soit une réduction du risque de rechutes invasives de 25 % (RR = 0,75; p = 0,0096). Et ce bénéfice est retrouvé dans tous les sous-groupes. La survie sans récidive à distance est elle aussi significativement améliorée : 93,6 % de femmes sans récidives à distance versus 90,3 % (RR = 0,72). Quant aux effets secondaires rapportés sous abemaciclib, les plus fréquents étaient la diarrhée, la neutropénie et la fatigue.

Vers un nouveau standard ?

« C'est la première fois en plus de 20 ans que nous avons une avancée dans le traitement adjuvant de ces cancers du sein précoces HR+ HER2- à haut risque, souligne le Dr Stephen Johnston (Londres, Royaume-Uni), investigateur principal de l'essai monarchE. L'étude publiée simultanément dans le Journal of Oncology (2) devrait venir modifier nos pratiques de traitement chez ces patientes qui tendent à rechuter très rapidement. L'adjonction d'abemaciclib permet manifestement de réduire ces récidives précoces. Reste la question de la durée du traitement. Dans l'étude monarchE, nous sommes à deux ans de traitement. Que se passe-t-il au-delà ? Un essai en cours avec une autre molécule de la même famille (anti-CDK4/6) est programmé sur trois ans. Ses résultats nous apporteront des informations complémentaires. Le suivi de monarchE va par ailleurs nous permettre de voir si les courbes de survie sans récidive continuent à se séparer durant la poursuite du traitement ».

Pour le Pr Curigliano, qui commentait ces résultats à l'ESMO, « C'est un essai très important qui va modifier les standards. L'abemaciclib une fois agréé dans ces cancers à haut risque HR+ HER2-, va devenir le nouveau standard de traitement en association à l'hormonothérapie durant les deux premières années. L'irruption de ce nouveau traitement pose d'ailleurs une question subsidiaire : ces femmes traitées par anti-CDK4/6 pourront-elles du coup se passer de la chimiothérapie ? C'est une question qu'il faudra explorer… ».

(1) Johnston SRD et al. Abstr LBA5_PR
(2) Johnston SRD et al. J Clin Oncol 2020; DOI: 10.1200/JCO.20.02514

Pascale Solere

Source : Le Quotidien du médecin