En étudiant des souris normales, des chercheurs ont montré qu'un décalage circadien chronique peut à lui seul induire une stéatose hépatique pouvant progresser vers l'hépatocarcinome. Le rôle important dans cette progression du récepteur FXR des acides biliaires et du récepteur CAR suggère deux approches préventives.
« Le cancer du foie est en hausse dans le monde entier et les études chez l'homme ont montré que les patients peuvent progresser de la stéatose hépatique au cancer du foie sans passer par l'étape intermédiaire de la cirrhose, explique le Pr David Moore, qui a co-dirigé ce travail avec le Pr Loning Fu au Baylor College of Medicine, à Houston (États-Unis). Notre étude montre que des souris exposées chroniquement au jet lag développent un cancer du foie de manière très similaire à ce qui est décrit chez les personnes obèses. »
Première cause de cancer du foie
La stéatose hépatique non alcoolique (ou NAFLD, pour non-alcoolic fatty liver disease), encore appelée stéatose métabolique, devrait bientôt devenir la première cause de cancer du foie, en raison de l'obésité et des perturbations chroniques du rythme circadien qui affectent de plus en plus la population du XXIe siècle. Les mécanismes sous-jacents sont toutefois mal compris.
On sait que la stéatose métabolique (NAFLD), observée chez 30 à 40 % de la population et jusqu'à 95 % des obèses morbides, peut progresser vers la stéatohépatite (NASH) et la fibrose, et éventuellement aboutir à l'hépatocarcinome. Cependant, il n'existait jusqu'ici aucun modèle murin pour étudier l'hépatocarcinogenèse induite par le syndrome métabolique.
On sait aussi que le « jet lag social », observé par exemple chez les travailleurs de nuit ou ceux qui se lèvent avant l'aube et accumulent des déficits de sommeil récupérés seulement le week-end, élève les risques d'obésité, de NAFLD et de cancer, dont le cancer du foie. « Des études récentes ont montré que plus de 80 % de la population aux États-Unis adoptent un style de vie qui les expose à une perturbation chronique de leurs horaires de sommeil », précise le Pr Loning Fu.
En modifiant chaque semaine les heures d'allumage et d'extinction des lumières, les chercheurs du Baylor College ont soumis des souris normales (non prédisposées au cancer) à un jet lag chronique.
Ils ont constaté que la majorité des souris prennent du poids et développent une stéatose hépatique, laquelle progresse vers l'inflammation chronique (NASH) et dans 8 % des cas vers le cancer du foie. Le jet lag chronique suffit pour induire le cancer du foie.
Rôle du récepteur CAR
Les chercheurs montrent que le jet lag chronique favorise la dysfonction du système nerveux sympathique (tonus accru durant le sommeil), ce qui amène une perturbation de l'horloge périphérique, une dérégulation des gènes et une dysfonction métabolique du foie. La perturbation circadienne active le récepteur nucléaire CAR (pour constitutive androstane receptor), via la dysfonction sympathique et la cholestase. Le récepteur CAR favorise alors la progression de la NAFLD vers la NASH, la fibrose et l'hépatocarcinome.
Pour preuve de l'importance du récepteur CAR, les souris dépourvues de ce récepteur ne développent pas de tumeur du foie.
Le récepteur FXR (farnesoid X receptor), qui maintient les taux intra-hépatiques des acides biliaires dans l'intervalle physiologique, joue également un role important ; sa perte, se traduisant par l'augmentation intrahépatique des acides biliaires (augmentation de la cholestase), stimule l'hépatocarcinogenèse.
En conclusion, le jet lag chronique est un facteur de risque indépendant pour l'hépatocarcinome. Restaurer l'équilibre des acides biliaires par un stimulateur du FXR (comme l'acide obéticholique), et inhiber le récepteur CAR par un antagoniste « pourraient offrir des stratégies complémentaires prometteuses pour prévenir l'hépatocarcinome induit par le syndrome métabolique », estiment les chercheurs. Ils comptent évaluer cela dans leurs futurs travaux.
Cancer Cell, Kettner et coll.
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