LE REGISTRE RATIO (Recherche Axée sur la Tolérance des bIOthérapies), est un observatoire créé en 2003 par l’association de plusieurs sociétés savantes intéressées par les anti-TNF : les Sociétés Françaises de Rhumatologie, de Gastro-Entérologie, de Médecine Interne, de Maladies Infectieuses et de Dermatologie, avec le partenariat de l’AFSSAPS et de l’Inserm et le soutien financier des trois firmes pharmaceutiques qui commercialisent les anti-TNF. La méthodologie originale, proposée par le Pr Philippe Ravaud, épidémiologiste à l’hôpital Bichat, à Paris, est différente des cohortes déjà existantes sur les anti-TNF. L’objectif est d’analyser certains effets secondaires rares, que l’on savait possiblement préoccupants, chez l’ensemble des patients français traités par anti-TNF, et ce quelle que soit l’indication. Les investigateurs se sont intéressés à deux types d’effets secondaires : les infections opportunistes, dont la tuberculose, et les lymphomes.
Résultats concordants des études d’incidence et cas-témoins.
Pour parvenir à une bonne exhaustivité du numérateur, pendant 3 ans, tous les cas de ces complications survenant sur le territoire français ont été colligés, grâce à la participation de 490 services hospitaliers (parmi lesquels la quasi-totalité des services de rhumatologie et de gastro-entérologie français, ainsi que de nombreux services de médecine interne, maladies infectieuses, hémato-oncologie), mais aussi grâce à la participation très active des centres régionaux de pharmacovigilance dépendants de l’AFSSAPS et des départements de pharmacovigilance des firmes. Chaque cas rapporté a été examiné par un comité de validation. L’estimation exhaustive du nombre de patients traités par anti-TNF pour chaque maladie était plus difficile, car on ne dispose pas en France de registres nationaux répertoriant les malades traités par des molécules rares, comme c’est le cas dans certains pays européens. Les investigateurs se sont donc aidés des données des firmes pharmaceutiques et de l’AFSSAPS pour obtenir une bonne estimation du nombre de patients français traités par anti-TNF avec une répartition par maladie, par âge et par sexe.
La première étude réalisée à partir des données recueillies était une étude d’incidence, calculant l’incidence des effets secondaires dans la population traitée par rapport à l’incidence de ces mêmes complications dans la population générale. Comme la puissance de l’étude était importante, une comparaison entre les trois anti-TNF (deux anticorps monoclonaux : l’infliximab et l’adalimumab, et un récepteur soluble du TNF : l’étanercept) a pu être effectuée. La deuxième partie du travail a consisté en une étude cas-témoins, appariant chaque cas d’effets secondaires survenus chez un patients sous anti-TNF à deux témoins traités par anti-TNF mais n’ayant pas eu de complications.
Lors du 21e Congrès de la Société Française de Rhumatologie ont été présentés les résultats définitifs de ces deux études pour la tuberculose et les lymphomes. L’étude sur la tuberculose est sous presse dans Arthritis and Rheumatism.
Un risque qui semble majoré sous anticorps monoclonaux.
En 3 ans, 69 cas de tuberculose ont été rapportés pour 57 711 patients-années, ce qui montre une augmentation de l’incidence par rapport à celle de la population générale (Standardized Incidence Ratio ou SIR = 12,2). Il s’agit le plus souvent de réactivation de tuberculose latente, sous forme extra pulmonaire dans la moitié des cas. Aucun de ces patients n’avait reçu de traitement prophylactique bien conduit avant mise sous anti-TNF ; deux tiers de ces patients avaient une IDR à la tuberculine négative avant traitement anti-TNF.
L’étude de sous-groupes a mis en évidence une nette différence en fonction de l’anti-TNF, ce qui avait déjà été suggéré dans la littérature, mais jamais encore démontré. Le risque de tuberculose est 22 fois plus important chez les patients sous anticorps monoclonaux que dans la population générale, alors qu’il n’est multiplié que par deux sous étanercept. Ces résultats sont confirmés par l’étude cas-témoins qui rapporte 16 fois plus de risque de tuberculose sous anticorps monoclonaux que sous récepteur soluble.
L’analyse des cas de lymphomes est rendue plus difficile par le fait qu’il existe au départ une augmentation de l’incidence des lymphomes dans la polyarthrite rhumatoïde, indépendamment des traitements prescrits, essentiellement liée à l’activité de la maladie. Les 38 cas de lymphome (dont 3 cas associés au virus Epstein-Barr) décrits dans le registre RATIO constituent la plus grande série de la littérature internationale. Le premier message apporté par ces résultats est rassurant puisque, globalement il n’y a pas de sur-risque de lymphome sous anti-TNF. Le SIR de 2,4 par rapport à la population générale correspond à ce qui était attendu dans une population de polyarthrite rhumatoïde et de maladies inflammatoires sévères.
En revanche, un résultat inattendu est apporté par la comparaison entre anti-TNF. Comme pour la tuberculose, il semble que le risque de lymphome soit plus élevé sous anticorps monoclonaux que sous récepteur soluble (SIR respectivement de 3,7 et 0,9). Ces données sont également confirmées par l’étude cas-témoins qui retrouve un risque de lymphome 4 à 5 fois plus important sous anticorps monoclonal que sous récepteur soluble. Cette possible différence de risque de lymphome entre les types d’anti-TNF doit cependant être confirmée par d’autres études car on ne peut pas éliminer la possibilité que, bien que le maximum de précautions aient été prises pour éliminer ce biais, l’activité de la maladie, qui est un facteur de risque de lymphome, ait pu influencer le choix du type d’anti-TNF.
Ces variations de risque entre les deux types d’anti-TNF pourraient être expliquées par une différence de fixation sur le TNF membranaire, plus stable et plus durable avec les anticorps monoclonaux. Ceux-ci entraîneraient ainsi des modifications fonctionnelles plus importantes des cellules exprimant le TNF membranaire (essentiellement par un effet appelé « reverse signaling »), comme les cellules du granulome dans la tuberculose ou des lymphocytes T protégeant de l’émergence de clones B lymphomateux. Cette différence de fixation pourrait également expliquer la meilleure efficacité des anticorps monoclonaux dans certaines indications comme la maladie de Crohn, les uvéites des spondylarthropathies ou les granulomatoses (sarcoïdose, maladie de Wegener).
D’après un entretien avec le Pr Xavier Mariette, hôpital du Kremlin-Bicêtre, Université Paris-Sud.
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