Traiter l'HTA du sujet âgé

Des bénéfices largement supérieurs aux éventuels risques

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Publié le 06/06/2017
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Crédit photo : SEBASTIEN TOUBON

À 80 ans, 70 % de la population est hypertendue et exposée à un risque accru d’accident vasculaire cérébral (AVC), d’insuffisance cardiaque (IC), de maladie coronaire mais aussi de troubles cognitifs d’origine vasculaire ou de maladie d’Alzheimer.

En 2008, l’étude internationale HYVET (Hypertension in Very Elderly Trial), publiée dans le « New England Journal of Medicine » (Beckett NS. et al.) fait la preuve d’une balance bénéfice/risque très en faveur du traitement de l’HTA après 80 ans. Cette étude randomisée, en double aveugle (antihypertenseur vs placebo) chez 3 845 hypertendus (plus de 80 ans, âge moyen 83,6 ans) sera arrêtée prématurément devant la baisse de la mortalité totale dans le bras du traitement actif (- 21 %, p < 0,02). L’étude retrouve une diminution : de l’IC (- 64 %, p < 0,001), des AVC (- 30 %, p = 0,055) et décès par AVC (- 39 %, p = 0,046), des événements CV (- 34 %, p < 0,001). Elle lève les doutes sur l’intérêt de traiter les personnes âgées : le bénéfice du traitement apparaît largement supérieur aux éventuels risques (hypotension orthostatique, chute, troubles métaboliques). L’étude HYVET guide les recommandations actuelles d’objectif tensionnel après 80 ans : PA systolique < 150 mmHg, sans hypotension orthostatique. La diastolique n’est pas retenue (elle n’est plus prédictive à cet âge du risque CV car elle baisse avec le vieillissement artériel).

Bien mesurer la pression artérielle (PA)

Au cabinet, la PA est prise 3 fois : après 5 minutes de position assise, puis patient debout à 1 mn et 3 mn pour rechercher une hypotension orthostatique (baisse de la systole de 20 mmHg ou de la diastole de 10 mmHg). « La variabilité tensionnelle dans la journée augmente avec l’âge. De plus, après 75 ans, 25 à 30 % des patients ont une HTA blouse blanche. Pour limiter le risque de surtraitement, il faut vérifier la réalité de l’HTA par des auto-mesures à domicile avant de débuter ou de modifier un traitement », insiste le Pr Hanon. L’auto-mesure à domicile (en position assise depuis 5 mn, le matin avant la prise de médicaments, le soir 1 heure avant le coucher) est faite par le patient pendant 3 jours matin et soir, avec à chaque fois 3 mesures de PA à 1 mn d’intervalle. Sur la moyenne des 18 auto mesures, l’objectif tensionnel est diminué de 5 mmHg/au cabinet (après 80 ans : < 145 mmHg, avant 80 ans : < 135/85 mmHg).

Ne pas dépasser la trithérapie

Le Pr Hanon résume les recommandations françaises : « Initier le traitement pendant 1 mois par une monothérapie à dose normale (ou faible dose si petit poids). L’efficacité du traitement s’évalue au bout d’un mois, si l’objectif n’est pas atteint passer à une bithérapie (stratégie plus efficace que changer de monothérapie ou que d’augmenter la dose). Un mois plus tard, si le patient n’est pas à l’objectif, changer de bithérapie ou passer à une trithérapie. En règle générale il est recommandé, après 80 ans, ne pas dépasser la trithérapie ! » Prescrire une des 5 classes d’antihypertenseurs : IEC, ARA II, diurétiques thiazidiques (pas les diurétiques de l’anse), inhibiteurs calciques, ou β-bloquants (ces derniers ayant une moindre protection vis-à-vis des AVC sont utilisés en cas de maladie coronaire, d’IC, ou de fibrillation atriale associée).

Traiter l’HTA sans hypotension : un équilibre à trouver

Surveiller tous les mois l’objectif tensionnel (au cabinet, et si possible aussi en auto-mesure) ainsi que la tolérance : « Prendre la PA debout, à la recherche d’hypotension orthostatique, qui fera changer le traitement, l’alléger, ou changer l’heure de la prise (chronothérapie) », précise le spécialiste. Les diurétiques, IEC, ARA2 nécessitent une surveillance biologique (ionogramme sanguin, créatinine plasmatique) 1 semaine après la première prise puis selon une périodicité en mois (donnée par la formule « créatinine/10 », par ex : 6 mois si clairance à 60). Sous diurétique, le risque de déshydratation impose d’éduquer le patient (dire et écrire sur l’ordonnance d’arrêter 3 jours le diurétique si canicule, fièvre, vomissements ou diarrhées importants), et de surveiller la fonction rénale en cas d’épisode aigu.

Dr Sophie Parienté

Source : Le Quotidien du médecin: 9586