Fibrillation atriale : prévenir le risque thrombo-embolique

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Publié le 13/07/2023
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Pathologie extrêmement fréquente (plus de 10 % des plus de 65 ans), la fibrillation atriale (FA) est la cause principale des accidents vasculaires cérébraux ischémiques. La diagnostiquer en amont est donc essentiel. Souvent asymptomatique, la FA peut être paroxystique, persistante ou permanente.

Crédit photo : PHANIE

L’authentification de la fibrillation atriale (FA) par l’ECG peut être difficile dans les formes paroxystiques intermittentes. La FA non traitée multiplie par cinq le risque d’accident vasculaire cérébral (AVC) et induit à long terme une insuffisance cardiaque ; elle est responsable d’un tiers des hospitalisations pour arythmie ou pour insuffisance cardiaque et de 25 % des AVC.

Palpitations, malaise, dyspnée, fatigue peuvent être l’expression clinique conduisant à consulter mais la FA peut aussi être asymptomatique et de découverte fortuite. Une hyperthyroïdie méconnue peut être à l’origine d’une FA, la TSH est donc indispensable lors du diagnostic.

Le traitement par anticoagulant oral est recommandé dès que le score de CHA2DS2-Vasc* est supérieur à 1, que la FA soit paroxystique, persistante ou permanente. Près de 90 % des patients ayant une FA recevront un nouvel anticoagulant oral (Naco) : à savoir l’apixaban (Eliquis), le rivaroxaban (Xarelto) ou le dabigatran (Pradaxa). Tous les Naco sont des substrats du CYP3A4 mais leur affinité diffère selon la molécule (dabigatran < rivaroxaban = apixaban).

Les AVK coumariniques ne sont plus utilisés sauf en cas de prothèse valvulaire mécanique (mais les patients sont normalement déjà traités) ou s’il existe un rétrécissement mitral sévère. Les antiagrégants plaquettaires n’ont aucune place en prévention du risque cardio-embolique de la FA.

Le contrôle de la fréquence cardiaque est recommandé en cas de FA chez les patients âgés et peu symptomatiques et en cas de FA paroxystique récidivante. L'objectif est de maintenir une fréquence cardiaque de repos entre 80 et 110 battements par minute.

Le retour au rythme sinusal n’est pas un argument suffisant en soi pour arrêter les anticoagulants.

Les questions à se poser

Quel est le rythme cardiaque d’un patient consultant pour des palpitations, une dyspnée, un malaise, une fatigue ?

Prendre le pouls : si le rythme cardiaque est normal mais que les symptômes évoquent une FA et en l’absence de facteur de risque (patient jeune, sans antécédent), expliquer la nécessité de reconsulter en cas de récidive. Dans les autres cas, proposer un enregistrement continu via une montre connectée type Withings, ou un Holter cardiaque externe (de 24 heures à plusieurs semaines) voire un Holter implantable (jusqu’à trois ans).

Si le rythme est anormal :

- Faire un ECG immédiatement, rechercher un facteur déclenchant (prise d’alcool, fièvre, déshydratation, effort), faire un bilan biologique (NFS, ionogramme à la recherche d'une hypokaliémie, TSH, créatininémie).

- Évaluer le retentissement hémodynamique immédiat et le degré d’urgence.

- Calculer le score CHA2DS2-Vasc.

Quelle en est la cause ?

- Rechercher une HTA, une obésité, un diabète, une hyperthyroïdie, une pathologie athéromateuse.

- Adresser au cardiologue pour bilan (Holter tensionnel, échographie, épreuve d’effort) à la recherche d’une cardiopathie sous-jacente (valvulopathie, insuffisance cardiaque, insuffisance coronarienne, ou autre).

Ce qu’il faut faire

- Prévenir le risque thrombo-embolique : prescrire un Naco si le score CHA2DS2-Vasc est supérieur à 1 même en cas de retour du rythme sinusal. En cas de score à 1, la décision dépend de l’appréciation du risque hémorragique et des préférences du patient.

- Décider du traitement au long cours (contrôle de la fréquence cardiaque, Naco, antihypertenseur) en concertation avec le cardiologue en fonction de l’âge du patient et des comorbidités.

- Restaurer le rythme cardiaque : en dehors du traitement anticoagulant, la correction de l’arythmie repose sur la flécaïne sur cœur sain, le sotalol en l’absence d’hypertrophie ventriculaire gauche, l’amiodarone dans certaines cardiopathies. En cas d’arythmie persistante, les bêtabloquants sont utilisés en première intention, la digoxine éventuellement.

- En cas d’échec des traitements pharmacologiques, la radiofréquence peut être proposée dans les FA paroxystiques sur cœur sain, en cas d'insuffisance cardiaque (l'arythmie est un facteur d’aggravation) ou encore en cas de FA très rapide avec tachycardiomyopathie.

- Informer les patients des enjeux (risque d’AVC et d’accident ischémique transitoire, de cardiopathie) et des bénéfices du traitement à court, moyen et long terme. Proposer une surveillance au moins annuelle (ECG, bilan biologique avec fonction rénale).

Ce qu’il faut retenir

La FA est la première cause d’AVC thrombo-embolique.

La FA peut être asymptomatique d’où l’intérêt de la prise de pouls systématique en consultation.

Le traitement par Naco est indispensable au long cours.

L’observance passe par une information claire sur les risques de la FA. 

D’après un entretien avec le Pr Michel Galinier, chef de service en cardiologie à l'hôpital Rangueil–Larrey à Toulouse
*Le score CHA2DS2-Vasc est l'acronyme des facteurs de risque suivants : insuffisance cardiaque congestive, hypertension, âge ≥ 75 ans, âge compris entre 65 et 74 ans, AVC/AIT, antécédent de maladie vasculaire, diabète, femme de plus de 65 ans. Chaque item compte au moins un point.

Dr Caroline Martineau

Source : lequotidiendumedecin.fr