À partir des bases de données de l’Assurance-maladie, qui colligent les remboursements hors établissement à but non lucratif, des médecins de l’HEGP ont évalué l’évolution des prescriptions de tests d’hémostase en ville et hôpitaux et cliniques privées entre 2013 et 2021. Il s’agit d’une masse d’information considérable puisqu’au cours de cette période, plus de 810 millions de tests ont été effectués (pour quelque 60 millions de patients). « La place croissante prise par les anticoagulants oraux directs (AOD), confirmée par un rapport de la HAS en 2016, est très probablement à l’origine de la baisse progressive de la prescription d’INR et voire d’activité facteur anti-Xa observée avec le temps », note le Dr Nicolas Gendron (HEGP, AP-PH) avant de rappeler que « les patients sous AOD ne nécessitent pas de surveillance biologique particulière, sauf situation d’urgence, telle qu’une chirurgie non programmée ou un saignement grave. Le dosage peut être aussi utile pour évaluer l’observance en cas de récidive d’embolie pulmonaire sous traitement ».
L’étude met également en avant l’augmentation progressive du dosage des D-dimères. Une évolution qui témoigne sans doute de leur plus large utilisation pour éliminer le diagnostic d’embolie pulmonaire, dont l’incidence va croissant, et pour évaluer le risque de récidive à l’arrêt du traitement anticoagulant. Les D-dimères sont en effet l’un des paramètres pris en compte dans les scores d’aide à la décision, tels que le HERD002 et le Dash.
Accélération en 2020
Mais c’est surtout depuis 2020 que le recours aux D-dimères a connu une très forte croissance, leur dosage étant préconisé à l’admission chez les patients hospitalisés pour un Covid-19 afin d’évaluer la sévérité de la maladie.
Au cours de l’épidémie et des confinements de 2020, les remboursements pour INR, TCA, TP et fibrinogène ont fortement diminué. Une baisse qui peut être, entre autres, attribuée à la diminution de l’activité chirurgicale et donc des bilans pré-opératoires réalisés en ville, mais qui, pour l’INR, traduit très probablement la moindre surveillance des patients sous AVK durant cette période.
L’étude permet aussi de constater une augmentation de la recherche d’anti-PF4/H, « analyse d’indication très spécialisée, indiquée lors de la suspicion d’une thrombopénie induite à l’héparine (TIH), qui touche un patient hospitalisé sur cent recevant ce traitement », rappelle le Dr Gendron. Le plus large recours aux anti-PF4/H en 2020 traduit sans doute la crainte d’une TIH face à des thromboses sous héparine associées à des plaquettes basses chez les patients avec un Covid-19 sévère. Pour l’année 2021, ces dosages sont plutôt à mettre au compte de prescriptions inappropriées par suite de la mauvaise compréhension de l’information autour des rares cas de thrombopénie thrombotique post-vaccinale. « Certains praticiens ont en effet réalisé un suivi biologique post-vaccinal, qui n’a pas lieu d’être, avec parfois des NFS et des D-dimères répétés tous les deux jours ! », indique le Dr Gendron (2).
Le suivi de l’évolution des prescriptions de bilans d’hémostase devrait se poursuivre dans le futur.
Entretien avec le Dr Nicolas Gendron, HEGP, Paris
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