Qu’il s’agisse de prothèses de hanche ou de genou, l’usage d’opioïdes a été corrélé, dans le passé, à un risque accru de reprise chirurgicale et d’amélioration fonctionnelle décevante. Une étude hollandaise de l’Université de Leiden a voulu approfondir la réflexion, en mesurant l'importance des prescriptions. L’objectif était de tenter de sensibiliser, par d’éventuelles recommandations, les prescripteurs généralistes ou rhumatologues en amont de l’indication opératoire.
Ce travail avait pour but de répondre à trois grandes interrogations : le pourcentage d’opérés avec prothèse de genou ou de hanche concernés par ces prescriptions et sa variation entre 2013 et 2018 ; l'évolution du délai préopératoire de cette prescription par trimestre et par année ; le profil des plus gros prescripteurs parmi les généralistes, rhumatologues et chirurgiens orthopédistes.
Une méthodologie efficace
La recherche fut menée sur une énorme base de données, issue du registre national hollandais des prothèses articulaires du membre inférieur. L’historique des prescriptions a pu être retracé à partir d’un peu plus de 170 000 prothèses de hanche et de 150 000 de genou. L’indication opératoire était l’arthrose dans près de 90 % des cas et l’âge moyen des opérés de 68 ans. La chronologie d’exposition aux opioïdes était étudiée par trimestre et l’évolution a été stratifiée, au cours des années successives.
Des observations surprenantes
Sur la base des évaluations de référence de 2013 puis de 2018, le pourcentage d’opérés ayant fait l’objet de prescriptions d’opioïdes est passé de 25 à 28 % pour les prothèses de genou et de 25 à 30 % pour celles de hanche. L’accroissement quantitatif s’est également creusé. Cette élévation s’est avérée plus marquée pour les opioïdes proprement dits que pour le tramadol. Pour ce qui est des prescripteurs, il semblerait que les rhumatologues soient les plus prudents avec seulement 1 % d’entre eux contribuant, suivis des chirurgiens orthopédistes (5 % en moyenne) et des généralistes (10 %).
Il semble qu'aux Pays-Bas les prescriptions d’opioïdes avant prothèse articulaire ont augmenté en raison d’un glissement vers l’oxycodone. Cette dérive concerne toute l’année précédant la chirurgie. Aucun des prescripteurs, quelle que soit la spécialité, n’est indemne de reproche. Les chirurgiens orthopédistes eux-mêmes, en première ligne, doivent s’astreindre à des progrès à cet égard. Et une collaboration interdisciplinaire mérite d’être instituée.
Des questions en suspens
Malgré un consensus international préconisant d’éviter les opioïdes dans les états douloureux chroniques arthrosiques, de telles prescriptions perdurent lors de consultations préopératoires parfois expéditives.
Il faudrait savoir si ces résultats sont retrouvés ailleurs qu'aux Pays-Bas, dont la politique vis-à-vis des substances psychoactives est plus indulgente. Cette recherche ne permet pas non plus de savoir s’il existe un délai suffisant d’interruption de ces prescriptions pour en neutraliser les inconvénients postopératoires.
H. E. van Brug et al, Clin Orthop Relat Res, 2023. doi:10.1097/CORR.0000000000002653
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