L’ARTHROSE DIGITALE est une affection fréquente, dont la prévalence varie selon les critères retenus (cliniques radiographiques, ACR…). Dans l’étude de Rotterdam (Dahaghin 2005), après l’âge de 55 ans, plus des deux tiers des femmes et la moitié des hommes avaient une arthrose radiologique, symptomatique pour 20 % d’entre eux. Compte tenu du vieillissement de la population, le nombre de sujets concernés devrait donc fortement s’accroître dans les prochaines années. Au sein de l’Union européenne, l’arthrose digitale symptomatique pourrait ainsi concerner quelque 15 millions de personnes.
Les articulations touchées, la sévérité des lésions et leur impact clinique est très variable. Les études longitudinales ont souligné l’absence de corrélation entre la sévérité des lésions radiologiques initiales et l’évolution symptomatique (douleur, fonction) ainsi que l’absence de corrélation entre les symptômes initiaux et l’évolution radiographique à un an.
La qualité de vie des patients peut être fortement altérée : le travail de Slatkowsky, publié en 2007, a montré que les scores de qualité de vie, la gêne fonctionnelle et la fatigue sont comparables chez les femmes ayant une polyarthrite rhumatoïde et chez celles ayant une arthrose digitale.
La prise en charge thérapeutique dépend de nombreux paramètres : de la localisation des lésions et de leur type (érosives, nodulaires), de la composante inflammatoire, de la douleur, du handicap fonctionnel et de l’altération de la qualité de vie, des co-morbidités et des co-prescriptions et bien sûr de la demande des patients.
Les recommandations de l’Eular.
En 2007, l’Eular (European League Against Rheumatism) a émis des recommandations pour la prise en charge de l’arthrose digitale. Elles stipulent, notamment, que tous les patients doivent bénéficier d’une éducation sur la protection articulaire, avec un régime d’exercices visant le renforcement musculaire et l’assouplissement afin de maintenir la mobilité. Les bénéfices des applications locales de chaleur, en particulier avant la pratique d’un exercice, et des ultrasons, sont également reconnus. L’Eular recommande le recours aux orthèses pour la base du pouce, ou pour prévenir ou corriger une déviation latérale, une angulation ou un flexum d’une inter phalangienne.
En termes de prescription médicamenteuse, les traitements locaux doivent être privilégiés. Le traitement par voie systémique doit faire appel en première intention au paracétamol, les AINS par voie orale, à la dose minimale efficace, étant réservés aux patients ne répondant pas aux traitements de première intention. Les recommandations rappellent que les anti-arthrosiques symptomatiques d’action lente peuvent avoir un bénéfice symptomatique avec une faible toxicité, mais que leur impact structural et leurs bénéfices pharmaco-économiques ne sont pas établis. Dans les poussées d’arthrose, en particulier de rhizarthrose, les injections intra-articulaires de corticoïdes de longue durée d’action sont efficaces.
Une demande croissante.
Pour l’Eular, la chirurgie (arthroplastie, ostéotomie ou arthrodèse) est un traitement efficace de l’arthrose sévère de la base du pouce et peut être envisagée chez les patients ayant une douleur ou une gêne fonctionnelle marquées malgré les différents traitements conservateurs. « On assiste actuellement à une demande croissante des patients d’une intervention chirurgicale pour des motifs esthétiques. Or, il s’agit d’une chirurgie délicate, aux résultats non garantis », souligne le Dr Maheu. Par exemple, en cas de déviation latérale, la chirurgie prothétique peut échouer du fait des lésions des ligaments latéraux avec, à terme, un doigt instable. Les patients demandent également souvent que l’on « rabote » les nodules d’Heberden. Or, ce n’est pas aussi simple, puisque ces nodosités sont faites de tissu fibreux qui s’enfonce souvent dans la capsule articulaire. Il est ainsi essentiel de prendre le temps de bien analyser la demande du patient, puis de lui expliquer ce qui est possible et ce qui ne l’est pas, quitte à décevoir », poursuit le Dr Maheu, qui insiste sur l’importance d’une approche multidisciplinaire avec un chirurgien « raisonnable ». Car, encore une fois, il s’agit d’une chirurgie difficile, dont les suites sont longues, d’au moins 6 mois.
« Dans les demandes motivées par une douleur résistante aux traitements médicamenteux et physiques ou par une gêne fonctionnelle importante, il est également nécessaire de bien expliquer au patient les résultats que l’on peut attendre de l’intervention chirurgicale. En cas de rhizarthrose notamment, si une arthrodèse est proposée, il faudra bien préciser que ce geste, outre ses suites prolongées, peut entraîner une certaine raideur. Cependant, conclut le Dr Maheu, cette chirurgie peut rendre de grands services pour un certain nombre de patients très douloureux et gênés fonctionnellement, chez lesquels les traitements médicaux sont en échec, une fois l’indication bien pesée. »
* D’après un entretien avec le Dr Emmanuel Maheu, hôpital Saint-Antoine, Paris.
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