« AUJOURD’HUI, notre discipline est à la traîne dans la promotion de la chirurgie ambulatoire. L’Association Française d’Urologie (AFU) a du retard par rapport à d’autres institutions. L’Académie de médecine a fait des recommandations en 2000. La Société Française d’Anesthésie-Réanimation (SFAR) a fait ses premières recommandations en 1995. De nombreuses sociétés savantes, que ce soit en chirurgie ORL, pédiatrique ou en chirurgie digestive, ont pris position sur le sujet. Et aujourd’hui, le message que j’ai envie de faire passer à l’AFU est de s’engager dans cette voie sans plus attendre », indique le Dr Gilles Cuvelier, urologue au centre hospitalier Quimper-Concarneau où il coordonne une unité de chirurgie ambulatoire (UCA) qu’il a mise en place en 1996 et dans laquelle un peu plus de 4 000 patients sont opérés chaque année. De juin 2008 à juin 2010, le Dr Cuvelier a aussi été chargé par le directeur de l’Agence régionale de l’hospitalisation (ARH) de Bretagne de développer la chirurgie ambulatoire au niveau régional.
« Parmi les pays de l’OCDE, la France est un des moins avancés en matière d’opérations chirurgicales réalisées en ambulatoire », souligne le Dr Cuvelier, en précisant que ce constat a été fait lors d’un colloque organisé en novembre dernier par l’Agence nationale d’appui de la performance des établissements de santé et médico-sociaux (ANAP), la Haute autorité de santé (HAS) et l’Association française de chirurgie ambulatoire (AFCA). « Lors de ce colloque, il a été rappelé que, en 2009, seulement 35 % des patients ont été opérés en mode ambulatoire. Pourtant, il existe un consensus pour dire que 80 % des opérations pourraient en principe être faites en ambulatoire, soit un potentiel de deux millions d’interventions supplémentaires par rapport à ce qui existe actuellement », indique le Dr Cuvelier. Autre constat fait lors de ce colloque : la chirurgie ambulatoire doit être un levier pour faire évoluer l’organisation et l’architecture des établissements de santé.
Une évolution sociétale.
Selon lui, il faut se garder, pourtant, d’aborder cette question de la chirurgie ambulatoire sous l’angle financier et des économies qui pourraient être réalisées à l’avenir avec le développement de cette pratique. « Nous sommes en fait en face d’une évolution sociétale avec une redéfinition profonde des missions de l’hôpital. Historiquement, l’hôpital a toujours eu deux fonctions : les soins et l’hébergement. Ce qui est en train de se jouer aujourd’hui, c’est une sorte de basculement : on se rend compte qu’on n’a plus besoin d’héberger les patients pour les soigner. C’est une évolution inéluctable : demain, la grande majorité des opérations se fera en ambulatoire », indique Dr Cuvelier.
Selon ce dernier, la chirurgie ambulatoire constitue d’abord une source de progrès pour les patients, ensuite pour les médecins, enfin pour les établissements de santé.
Concernant les patients, « les enquêtes de satisfaction sont unanimes : les malades ayant pu bénéficier de la chirurgie ambulatoire sont satisfaits de ce mode de prise en charge et referaient la même intervention dans les mêmes conditions », souligne le Dr Cuvelier, en précisant que le point de vue des usagers a été exprimé par le collectif interassociatif sur la santé (CISS). Il en ressort des avantages individuels et collectifs. Parmi les avantages individuels sont cités le droit au choix, au « chez soi », la brièveté du séjour hospitalier, la sécurité avec moins d’infections nosocomiales, moins de thromboses (phlébites) postopératoires. Les avantages collectifs sont une démarche centrée sur le patient, des effets positifs sur la coordination du système de soins (en raison d’une meilleure transmission du dossier de l’établissement vers le médecin traitant), une économie des ressources de santé publique.
Le CISS allant plus loin propose même d’informer les patients que la chirurgie ambulatoire est devenue la règle en chirurgie, l’hospitalisation n’étant à envisager qu’en cas d’impossibilité.
De fait si une durée d’hospitalisation la plus courte possible est un important facteur de prévention des infections nosocomiales et de site opératoire et des phlébites, c’est aussi, ajoute le Dr Cuvelier, un facteur de prévention des morbidités pour les personnes âgées. « On sait qu’une hospitalisation peut être déstabilisante, désocialisante pour certains patients âgés, indique-t-il. Si une personne de plus de 85 ans est hospitalisée plus de trois jours, il est quasiment certain qu’elle ne pourra plus ensuite retourner chez elle. »
Faire progresser les pratiques.
La chirurgie est aussi une source de progrès pour les médecins, « Faire en ambulatoire ce qu’on faisait jusque-là en hospitalisation conventionnelle permet de faire progresser les pratiques. L’ambulatoire permet en effet de privilégier l’endoscopie, de supprimer les drainages, de s’intéresser à l’hydratation préopératoire qui facilite le geste et les suites opératoires et de simplifier les pansements postopératoires. Pour le chirurgien, le bénéfice est réel. La pratique ambulatoire améliore son art et sa technique. Il passe aussi moins de temps en visites, ce qui lui permet de gagner du temps médical. Cela permet d’améliorer le recrutement au sein de son service car cette pratique répond à une demande des patients », détaille le Dr Cuvelier, en ajoutant que la pratique ambulatoire est aussi une source de progrès pour les anesthésistes. « Elle permet de privilégier l’anesthésie multimodale, de développer l’analgésie post-opératoire, de mieux prendre en charge les nausées et les vomissements, de faciliter la réhabilitation post-opératoire ».
L’ambulatoire est enfin une source de progrès pour les établissements de santé et les organisations. « Parce que pour réussir à assurer en quelques heures une prise en charge chirurgicale qui se faisait auparavant en quelques jours - accueil, passage au bloc pour l’intervention, passage en salle de réveil pour surveillance, retour dans l’unité d’hospitalisation pour réhabilitation, information du patient et remise de documents pour la médecine de ville - il a fallu mettre en place une organisation efficace, basée sur l’anticipation et la préparation, mais aussi sur l’information des patients », souligne le Dr Cuvelier.
Ce dernier a longuement exposé ses arguments dans le quotidien du congrès de l’AFU en novembre dernier. Au final, il plaidait dans cet article pour un rapprochement des tarifs, en posant un certain nombre de questions. « Pourquoi un acte chirurgical serait-il mieux rémunéré en hospitalisation traditionnelle avec les risques qu’elle comporte ? Pourquoi certains actes sous-rémunérés en ambulatoire ne peuvent-ils être réalisés qu’en hospitalisation traditionnelle ? Pourquoi les comorbidités (niveau de sévérité) ne sont-elles prises en charge qu’à la condition d’une hospitalisation traditionnelle ? Pourquoi la facturation « chambres seules » n’est-elle possible qu’en hospitalisation traditionnelle ? Pourquoi interdire les recettes annexes à l’ambulatoire ? Enfin, un tarif unique ne permettrait-il pas une évolution rapide de nos attitudes thérapeutiques ? ».
Cette proposition de tarif unique a d’ailleurs été très récemment rendue publique par un communiqué commun de l’HAS (haute autorité de santé), l’AFCA (association française de chirurgie ambulatoire) et l’ANAP (agence nationale d’appui à la performance).
D’après un entretien avec le Dr Gilles Cuvelier, centre hospitalier Quimper-Concarneau.
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