Plaies des mains : mieux vaut pécher par excès

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Publié le 21/03/2024
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Les plaies de la main sont potentiellement graves, elles nécessitent très souvent une exploration chirurgicale en raison du risque de lésions des éléments nobles (tendons, nerfs, vaisseaux) pouvant entraîner des séquelles importantes si elles ne sont pas diagnostiquées et traitées correctement.

En présence de lésions du tendon ou du nerf, l’immobilisation doit être respectée à chaque nouveau pansement

En présence de lésions du tendon ou du nerf, l’immobilisation doit être respectée à chaque nouveau pansement
Crédit photo : BURGER-HIA PERCY/PHANIE

Fréquentes, notamment chez les petits enfants (3-5 ans), les plaies de la main toucheraient environ un million de personnes chaque année. Les accidents de travail sont rares comparés à ceux qui surviennent à la maison, mais ils sont généralement très graves. En cas de plaies graves, au vu d’une ou plusieurs amputations ou de perte de substance, le transfert vers une unité de chirurgie de la main s’impose.

Les autres plaies représentent un défi, tant diagnostique que thérapeutique. La difficulté est de réussir à bien évaluer le degré de gravité de la plaie. La multiplicité des mécanismes en cause provoque une grande variété de tableaux cliniques.

Exploration chirurgicale systématique en cas de doute

Une blessure de la main peut endommager des éléments nobles (tendons, nerfs, vaisseaux) et ce, même si tout semble normal.

Les signes de dénervation motrice doivent être recherchés (absence d’opposition du pouce) ainsi que la sensibilité de chaque hémipulpe (toucher-piquer). L’examen clinique vasculaire doit vérifier l’absence de dévascularisation (doigt blanc, froid, ne se remplissant pas après la pression). Les tendons seront à tester en aval de la plaie. L’absence de flexion de l’interphalangienne proximale révèle une lésion totale du tendon fléchisseur superficiel, alors que l’absence de flexion de l’interphalangienne distale signe une lésion totale du fléchisseur profond des doigts.

« Attention, un examen clinique peut rester normal en cas de lésion partielle d’un tendon. S’il y a une anomalie ou un doute à l’examen clinique, si celui-ci est impossible, si la plaie se situe sur le trajet d’un élément noble, si elle est profonde, causée par des agents très tranchants (verre, couteau…), en cas de morsure animale ou de plaie tellurique, celle-ci doit être explorée en milieu chirurgical sous anesthésie générale, de façon à établir un diagnostic lésionnel précis, avertit le Pr Franck Duteille (CHU de Nantes). Il vaut mieux pécher par excès, cela évite parfois des drames. Les enfants ont une capacité de récupération nerveuse insoupçonnable et il faut toujours tenter le maximum. » L’antibiothérapie à l’aveugle est à éviter absolument, la plaie doit être lavée à l’eau.

Il vaut mieux pécher par excès, cela évite parfois des drames

Pr Franck Duteille

4P des pansements

Les plaies de la main sont souvent douloureuses et délicates à prendre en charge. Les pansements doivent favoriser la cicatrisation, permettre la mobilisation et répondre à certains critères spécifiques.

« En cas de plaie simple, fermée sans structure noble touchée, le pansement doit être adapté à la lésion et léger pour garder les fonctions fondamentales de la main », explique Nathalie Delpuech Normand (infirmière Pôle Santé Arcachon). Lorsque cela est possible, un pansement fin, petit, individualisant les doigts, libérant les pulpes et la paume de la main, n’entravant pas les mouvements, peut aider au mieux les mobilisations précoces : c’est le « Pansement le Plus Petit Possible » de la règle des 4 P. « On utilise un hydrocellulaire ou interface et un pansement sec (pas de bande). Il est changé tous les 2-3 jours », précise l’infirmière. Le pansement doit rester propre, il est changé en fonction de la plaie et des activités.

En présence de plaie postopératoire ouverte, c’est la cicatrisation dirigée qui est indiquée. Son principe consiste en une détersion minutieuse de la plaie, pour permettre le développement simultané d’un bourgeon à partir de la profondeur et d’une épithélialisation à partir des berges, pour que la plaie se ferme progressivement. Il est également important de lutter contre les rétractions, via une mobilisation précoce et une rééducation, avec ou sans pansement.

Le pansement sur mesure peut être un alginate, une interface, ou un hydrocellulaire. Son changement se fait tous les jours, ou tous les deux jours. En présence d’une plaie postopératoire avec lésion de tendon ou de nerf et port d’une attelle de Kleinert ou type Duran, l’immobilisation doit être respectée lors de la réfection du pansement.

Dans tous les cas, la surveillance des signes de complications comme la rougeur, l’œdème, la présence de pus est essentielle.

Importance de la rééducation

Les objectifs de la rééducation sont d’optimiser la cicatrisation cutanée des plaies, par immobilisation en capacité cutanée maximum (CCM) et d’éviter l’apparition de cicatrices pathologiques (adhérences, hypertrophies, brides ou chéloïdes…) par compression, massages. Outre le préjudice esthétique, cette évolution peut être à l’origine d’une altération fonctionnelle.

Il est également essentiel de préserver les amplitudes articulaires physiologiques, ou à défaut fonctionnelles, par la mobilisation, qui permet d’éviter un enraidissement.

« À la phase aiguë, les mobilisations passives doivent être lentes, progressives pour ne pas solliciter les myofibroblastes », précise la Dr Margot Masanovic (Montpellier). Les exercices de mobilisation visent à assurer un meilleur glissement des tendons et à améliorer l’amplitude articulaire de la main tout au long de la récupération.

Session plénière « Plaies des membres supérieurs »


Source : Le Quotidien du Médecin