Si elle ne porte pas le nom de « recommandations », la prise de position de la Société française du diabète (SFD) dévoilée ce matin se présente tout de même comme un mode d'emploi de la prise en charge médicamenteuse du diabète de type 2. Le document comprend 30 avis, rassemblés en 8 chapitres.
Ce texte se démarque des dernières recommandations en date émises par la Haute Autorité de santé (HAS) en 2013. Ces dernières considèrent la metformine et le sulfamide comme les pierres angulaires de la prise en charge médicamenteuse, et n'accordent pas une place importante aux nouvelles classes thérapeutiques : Gliptine, GLP1 et SGLT2 (cette dernière classe de médicament n'est pas disponible en France).
« Historiquement, la découverte d'un surrisque d'événement cardiovasculaire causé par les glitazones en 2007 a provoqué une crise de confiance dans les nouvelles classes de molécules, rappelle le Pr Pierre Gourdy, du service diabétologie, maladies métaboliques, nutrition du CHU de Toulouse. La FDA a depuis imposé aux laboratoires des essais cliniques pour s'assurer de l'absence de surrisque cardiovasculaire. Ces études ont été publiées en 2013, trop tard pour être intégrées aux recommandations de la HAS. »
Peu de données sur les patients à risque
Les études SAVOR, EXAMINE et TECOS (pour la Gliptine), LEADER et Sustain 6 (pour les GPL1), OUTCOME, CANVAS et EMPA-REG (pour les SGLT2) ont montré une absence de surrisque d'incidents cardiovasculaires. « On manque de données sur les patients à haut risque cardiovasculaire », note toutefois le Pr Gourdy, qui ajoute que certaines études montrent des signes inquiétants : « Dans SAVOR, les patients sous saxagliptine ont un risque d'hospitalisation pour insuffisance cardiaque sévère augmenté de 27 % comparé au placebo. » Dans l'étude FIGHT, c'est le risque de réhospitalisation pour insuffisance cardiaque sévère qui est statistiquement plus élevé chez les patients sous liraglutide.
Les auteurs recommandent ainsi l'association metformine et iDPP4 en cas d'échec de la monothérapie par metformine, au lieu de la bithérapie metformine-sulfamide préconisée par la HAS. Ils justifient ce choix, plus coûteux, par le moindre risque d'hypoglycémie et la sécurité cardiovasculaire. Ils estiment en outre qu'une bithérapie peut être proposée d'emblée en cas de déséquilibre initial important. Quel que soit le choix de traitement, la prise de position insiste sur la nécessité de réévaluation, voire d'arrêt des traitements, pour éviter l'empilement de molécules et le risque de perte d'adhésion du patient.
La SFD prend aussi une position claire en ce qui concerne le choix de l'insuline basale, et recommande un analogue lent (et plus particulièrement les biosimilaires de l'insuline glargine U100) de l'insuline plutôt que l'insuline NPH. C'est une différence importante avec les recommandations de la HAS.
Le contrôle glycémique en question
« Certaines voix de médecins se sont élevées pour remettre en question le bénéfice du contrôle glycémique du diabète de type 2, jetant un trouble certain dans la communauté des professionnels de santé prenant en charge cette pathologie » reconnaît le Pr Pierre Fontaine, chef du service de diabétologie du CHRU de Lille et président de la SFD.
À ces inquiétudes « légitimes », la SFD répond avec des objectifs glycémiques individualisés tenant compte de l'état de santé global du patient. « Si pour la plupart des patients diabétiques de type 2, une cible d'HbA1c inférieure ou égale à 7 % est recommandée, nous estimons que l'objectif peut et doit être ajusté selon les profils, affirme le Pr Patrice Darmon (CHU de Marseille), coordinateur de la prise de position. Les patients nouvellement diagnostiqués qui ont une espérance de vie supérieure à 15 ans et ne présentent pas d'antécédent cardiovasculaire devraient avoir une cible plus exigeante, inférieure ou égale à 6,5 %, à condition que cette dernière soit atteinte par des modifications du mode de vie et des traitements ne provoquant pas d'hypoglycémie. » A contrario, les patients âgés dépendants ou ayant une santé très altérée peuvent se voir recommander une cible moins ambitieuse, inférieure ou égale à 9 %.
Appel du pied à la HAS
Les membres de la SFD n'avaient pas participé à l'écriture des recommandations de la HAS pour cause de conflit d'intérêts avec les laboratoires pharmaceutiques. Ils espèrent que cette prise de position sera reprise dans les nouvelles recommandations en cours d'élaboration. « Je pense que si les nouvelles recommandations de la HAS privilégient encore la metformine et le sulfamide, sa crédibilité en souffrirait », estime le Pr Bruno Verges, du service d'endocrinologie - diabétologie du CHU Dijon Bourgogne.
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