Hyperparathyroïdie primaire : une maladie fréquente à savoir dépister

Par
Publié le 15/11/2024
Article réservé aux abonnés

Un nouveau consensus sur la prise en charge des hyperparathyroïdies primaires a été présenté lors du congrès 2024 de la Société française d’endocrinologie (SFE). Prévalence à la hausse, complications plus fréquentes, progrès de la chirurgie et de l’imagerie, beaucoup de points ont fait évoluer le diagnostic depuis les recommandations de 2006.   

Un examen morpho-fonctionnel est nécessaire au diagnostic, par scintigraphie en double isotope ou TEP-TDM à la 18F-Choline

Un examen morpho-fonctionnel est nécessaire au diagnostic, par scintigraphie en double isotope ou TEP-TDM à la 18F-Choline
Crédit photo : MED.NUC.HPA-VOISIN/PHANIE

« Les hyperparathyroïdies ne sont pas des maladies rares, il faut savoir y penser », explique la Pr Marie-Christine Vantyghem, l’un des quatre coordonnateurs du consensus 2024 de la Société française d’endocrinologie (SFE), présenté lors de son congrès le 18 octobre.

Prévalence à la hausse, risque plus élevé d’apparition de complications avec l’allongement de l’espérance de vie, progrès de la chirurgie et de l’imagerie… Beaucoup de points ont fait évoluer le diagnostic depuis les précédentes recommandations de 2006. Une centaine d’experts ont participé à ce travail multidisciplinaire d’actualisation qui a fait collaborer trois sociétés savantes (SFE, Société française de médecine nucléaire et Association francophone de chirurgie endocrinienne). Le document, disponible en français sur le site de la SFE, sera publié en anglais dans les Annales d’endocrinologie d’ici à la fin 2024. La Haute Autorité de santé, qui a fait part de son intérêt, a d’ores et déjà annoncé souhaiter en publier une synthèse début 2025.

La prévalence, estimée entre 17 et 94,6 pour 100 000 patients-année, augmente du fait d’un meilleur dépistage avec le dosage en routine de la calcémie. De plus, l’augmentation de l’espérance de vie interfère avec les conséquences osseuses et rénales à long terme. « Une forme asymptomatique à l’âge de 50 ans ne l’est plus nécessairement à 75 ans », souligne la Pr Marie-Christine Vantyghem, endocrinologue au CHU de Lille.

Éliminer les diagnostics différentiels

La découverte peut être fortuite sur un bilan de routine avec mise en évidence d’une hypercalcémie. Mais, parfois, ce sont des signes d’appel cliniques qui mènent au diagnostic. « Cela peut être des lithiases rénales à répétition, des fractures, notamment de fatigue, des tassements vertébraux, une perte de taille de plusieurs centimètres, une ostéoporose et plus rarement des signes digestifs avec constipation opiniâtre et vomissements, liste le Pr Peter Kamenicky, de l’hôpital du Kremlin-Bicêtre (AP-HP) . Dans ces situations, il faut penser à doser la calcémie et à rechercher une hyperparathyroïdie. Cette pathologie peut être dépistée par le médecin traitant ».

Cette pathologie peut être dépistée en ville avec le dosage de la calcémie

Le diagnostic est mieux posé avec des diagnostics différentiels mieux recherchés. Face à une hypercalcémie, le bilan est complété par la recherche d’une hypercalciurie. Avant de doser la PTH, il est nécessaire d’éliminer une hypovitaminose D (<30 nmol/l) et de la corriger, insistent les deux endocrinologues. D’autres facteurs de confusion sont à écarter : insuffisance rénale, prise de médicaments interférents (bisphosphonates, diurétiques notamment thiazidiques, corticoïdes, lithium) mais aussi chirurgie bariatrique et maladies digestives. « La prise en charge des hyperparathyroïdies secondaires et tertiaires avec insuffisance rénale chronique est néphrologique », indique ainsi la Pr Vantyghem.

Trois phénotypes

Trois phénotypes sont définis pour les formes primaires : hyperparathyroïdie hypercalcémique asymptomatique (avec ou sans retentissement sur les organes cibles), hyperparathyroïdie hypercalcémique symptomatique et hyperparathyroïdie normocalcémique « qui n’est pas facile à diagnostiquer », de l’aveu du Pr Kamenicky, précisant que cette forme allie hypercalciurie et PTH élevée.

Dans l’hyperparathyroïdie primaire, « en général, une seule des quatre glandes parathyroïdiennes est pathologique avec un adénome qui en augmente le volume », décrit le Pr Laurent Brunaud, chirurgien endocrinien au CHU de Nancy. L’échographie parathyroïdienne par un radiologue expert reste l’examen de première intention. « Mais les parathyroïdes restent difficiles à voir à l’échographie, indique le spécialiste. Un examen morpho-fonctionnel est nécessaire : scintigraphie en double isotope 123I/99mTc-Sestamibi ou, et c’est récent, une TEP-TDM à la 18F-Choline, qui n’était pas disponible en 2006. Ces deux examens morpho-fonctionnels sont désormais au même niveau. Si le couple écho + examen morpho-fonctionnel ne suffit pas, il est recommandé d’adresser le patient en centre expert pour réalisation d’une IRM ou d’une TDM 4D qui est relativement irradiante et doit être réalisée d’emblée par un radiologue très expérimenté. »

En parallèle, un bilan des complications de l’hyperparathyroïdie est à réaliser : imagerie rénale (et de préférence un scanner des voies urinaires basse intensité) et densitométrie osseuse.

Opérer une forme asymptomatique jusqu’à 70 ans

La prise en charge repose sur la chirurgie, avec un geste d’autant mieux ciblé que l’imagerie est plus performante. « Ces progrès font que les complications (paralysie du nerf récurent, hypoparathyroïdies) sont très rares », précise le Pr Éric Mirallié, chirurgien endocrinien au CHU de Nantes et quatrième coordonnateur.

L’exérèse de la lésion est recommandée dès qu’il existe un retentissement clinique (lithiases rénales récidivantes, néphrocalcinose, ostéoporose, fractures) ou en cas d’hypercalciurie > 250 mg/24 heures chez la femme et 300 chez l’homme. La notion d’espérance de vie a été ajoutée dans ce consensus. « Une hyperparathyroïdie asymptomatique chez une personne de 50 ans ou plus risque d’évoluer ; elle peut être opérée jusqu’à l’âge de 70 ans, même en l’absence de symptômes, afin d’éviter qu’elle n’évolue à bas bruit », indique la Pr Vantyghem. La chirurgie doit être réalisée par un chirurgien endocrinien mais certaines situations relèvent des centres experts (lésion mal identifiée, forme agressive, reprise chirurgicale si patient non guéri).

D’autres situations doivent être référées aux centres experts : les maladies multinodulaires hyperplasiques. « Si plusieurs glandes sont atteintes, de même que chez le sujet de moins de 50 ans, l’enfant ou au cours d’une grossesse, ou s’il existe un contexte syndromique (par exemple coexistence d’un adénome hypophysaire), une pathologie génétique doit être recherchée car la prise en charge n’est pas la même », indique le Pr Kamenicky. Et en cas de contre-indications à la chirurgie, des alternatives médicamenteuses sont disponibles, comme les calcimimétiques, qui permettent de diminuer la calcémie, ou les diphosphonates, qui ont des effets protecteurs osseux, souligne le spécialiste.


Source : Le Quotidien du Médecin