En mettant en évidence la capacité des cellules α du pancréas – normalement productrices de glucagon – à s’engager dans la sécrétion d'insuline, des chercheurs de l'université de Genève ont apporté la preuve de concept de la plasticité des cellules humaines du pancréas. Leurs travaux font l'objet d'une publication dans « Nature ».
« Nous avons publié en 2010 les premiers travaux montrant la capacité du pancréas adulte de souris à générer de nouvelles cellules productrices d'insuline lorsque les cellules β ont été détruites », raconte au « Quotidien » Pedro Herrera, auteur senior de l'étude. Les chercheurs ont montré que ce phénomène s'explique par un « changement d'identité » des cellules pour commencer à produire de l'insuline. Cette découverte témoigne de la plasticité cellulaire des cellules pancréatiques non β.
L'identité cellulaire n'est pas figée
Fin 2018, cette même équipe met en évidence, toujours chez la souris, une partie des mécanismes sous-tendant la capacité des cellules α du pancréas à changer de fonction dès lors qu'elles ne perçoivent plus l'insuline dans leur environnement. « Nous avons mis en évidence l'existence de signaux qui permettent de maintenir l'identité d'une cellule mature différenciée. Ainsi, l'identité cellulaire n'est pas gravée dans le marbre », résume le chercheur.
Avec cette nouvelle publication, l'équipe suisse est allée plus loin : les cellules pancréatiques humaines seraient également capables d'apprendre à produire de l'insuline. Des pseudo-îlots avec un seul type cellulaire ont été reconstitués à partir de cellules pancréatiques humaines isolées. « Au sein de ce système artificiel, les cellules pancréatiques non β peuvent être induites de façon à exprimer des facteurs de transcription des cellules β », détaille Pedro Herrera. Avec la stimulation de ces facteurs et en présence d'un taux élevé de glucose, les cellules α et γ (produisant normalement une hormone appelée « polypeptide pancréatique ») se sont mises à produire et sécréter de l'insuline.
Ces pseudo-îlots de cellules α humaines ont ensuite été transplantés chez des souris diabétiques, ce qui a entraîné leur guérison.
Des cellules moins immunogènes
Toutefois, si les cellules α sont capables de produire de l'insuline, elles ne perdent pas pour autant totalement leur identité. Après la perte des cellules β, seule une petite proportion des cellules α se met à effectuer cette conversion chez la souris. Ainsi, la production de glucagon ne semble pas perturbée. « D'autant plus que le diabète a tendance à entraîner une hyperglucagonémie qui serait ainsi compensée », note Pedro Herrera.
« En mettant en présence les cellules α humaines modifiées avec des lymphocytes T cytotoxiques dérivés de patients avec un diabète auto-immun, nous avons constaté qu'elles étaient peu immunogènes in vitro », souligne le chercheur. Ainsi, en cas de diabète de type 1 auto-immun, celles-ci seraient peut-être mieux protégées.
« Ces résultats sont encore loin de toute application clinique », tient à préciser Pedro Herrera, ajoutant que cette plasticité cellulaire n'est sans doute pas spécifique du pancréas. Avec son équipe, leurs travaux se poursuivent afin de mieux comprendre les mécanismes moléculaires et les signaux impliqués. « Nous devons aller plus loin dans la caractérisation de ces phénomènes de plasticité pour pouvoir imaginer des moyens de promouvoir la production d'insuline par des cellules non β », conclut-il.
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