Les papiers à ne pas manquer en octobre 2023

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Publié le 30/10/2023
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Nos coups de cœur de la littérature scientifique ce mois-ci.

- Neuropathie optique du Basedow : bilan encourageant d’une série lyonnaise (1)

Ce travail visait à identifier les premiers signes associés à une guérison significative chez les patients atteints de la neuropathie optique dysthyroïdienne (NOD) de la maladie de Basedow traités selon les directives Eugogo (European Group on Graves’ Orbitopathy) par glucocorticoïdes intraveineux (GC-IV) en première et chirurgie de décompression en deuxième intention.

Les patients consécutivement adressés (par un groupe expert multidisciplinaire) sur une période de six ans ont bénéficié d’une exploration systématique : bilan endocrinien, examen ophtalmologique et exploration radiologique. La récupération visuelle, fondée sur l’acuité visuelle la mieux corrigée (BCVA) et le champ visuel (VF), a été évaluée au départ, à une semaine et après six mois et les paramètres de base testés pour leur valeur pronostique sur des analyses univariées et multivariées.

Trente-huit patients (69 yeux) atteints de NOD ont été inclus. Une récupération significative à six mois a été constatée chez 48/69 yeux (70 %), une récupération partielle dans 18/69 (26 %) et pas de récupération dans 3/69 (4 %). Cinquante et un yeux (28 patients) ont nécessité une décompression chirurgicale après GC-IV. Ces patients avaient une présentation plus sévère au diagnostic, ont reçu significativement moins de GC pour l’orbitopathie avant l’apparition de la neuropathie optique et avaient un prolapsus graisseux plus important sur les TDM, par rapport aux patients non opérés. En analyse multivariée : le sexe masculin (p = 0,001), la dose cumulée de GC > 1 g avant le diagnostic de NOD (p = 0,048) et la BCVA initiale ≤ 0,3 (p = 0,004) étaient significativement associés à de meilleurs résultats, alors que le score d’activité clinique > 5 (p = 0,013) était associé à un résultat moins bon.

Cette étude confirme un taux de récupération, à six mois, généralement favorable de cette neuropathie traitée selon les directives Eugogo et fournit des informations nouvelles sur les prédicteurs de mauvaise évolution. Elle pourrait aider à combiner plus efficacement les indications respectives du traitement médical et chirurgical à l’avenir.

- Un gel inhibiteur ß1 adrénergique accélère la cicatrisation des ulcères de pieds diabétiques (2)

Un gel contenant un ß1 bloquant local (esmolol hydrochloride) en topique réduit significativement la durée de cicatrisation d’ulcères de pieds (< ou > à 5 cm de diamètre). Cette étude a été menée en Inde, 120 des 174 des participants ont terminé l’étude et été analysés. La fermeture de l’ulcère à la fin de l’étude (semaine 24) a été atteinte chez 44 des 57 (77,2 %) participants du groupe esmolol et 35 des 63 (55,6 %) du traitement standard (OR = 2,71 ; IC95 [1,22-5,99] ; p = 0,01).

- Faible poids de naissance : un surrisque de DT2 précoce et à plus haut risque de complications. Deux études clés ! (3, 4)

Deux articles du numéro de septembre de Diabetologia ont étudié, par deux approches très différentes, la question des relations entre faible poids de naissance (PDN) et risque ultérieur de diabète de type 2 (DT2), avec la possibilité de présentations phénotypiques particulières (âge d’apparition, risque de comorbidités). Les études antérieures, des données transversales de prévalence, ne pouvaient répondre à ces questions.

La première étude a porté sur des adultes âgés de 30 à 60 ans de la cohorte danoise Inter99 inclus en 1999-2001, avec un examen de base et des d’informations sur le PDN (années 1939 à 1971) et sans diabète au départ. De multiples ajustements ont été réalisés - prématurité, parité, scores polygéniques de poids à la naissance, antécédents de DT2 côté maternel et paternel, statut socio-économique et IMC de l’adulte.

Sur un suivi moyen de 19 ans de 4 590 participants, 492 cas incidents de DT2 sont survenus. Le taux d’incidence augmentait avec l’âge (plus pour le sexe masculin) et baissait avec l’augmentation du PDN : pour 1 kg d’augmentation du poids à la naissance : OR = 0,60 [0,48, 0,75]. Et l’inverse était vrai, entre baisse du PDN et incidence du DT2. Un PDN plus faible était donc associé à un risque accru de développer un diabète de type 2, indépendamment de l’IMC de l’adulte et du risque génétique de DT2.

La deuxième étude a porté sur les relations entre faible PDN et des caractéristiques distinctes de DT2. Des dossiers de sages-femmes ont été étudiés chez 6 866 sujets avec DT2, afin de mettre en rapport l’âge au diagnostic de DT2, les mesures anthropomorphiques, les comorbidités, médicaments, variables métaboliques et antécédents familiaux de DT2 chez les individus présentant les 25 % de poids à la naissance les plus faibles (< 3 000 g) et chez les 25 % de poids à la naissance les plus élevés ( > 3 700 g), comparés à ceux dont le PDN était compris entre 3 000 à 3 700 g comme référence.

Résultats : Chaque diminution de 1 000 g du PDN était associée à un âge d’apparition du diabète plus jeune de 3,3 [2,9-3,8] ans, à un IMC inférieur de 1,5 [1,2, 1,7] kg/m2 et à un tour de taille plus petit.

Par rapport au PDN de référence, PDN < 3 000 g était associé à une comorbidité globale plus importante (PR = 1,26), une prévalence plus faible des maladies neurologiques associées au diabète, une moindre probabilité d’antécédents familiaux de DT2, l’utilisation de trois médicaments antidiabétiques ou plus et de trois médicaments anti-HTA ou plus fréquente (PR = 1,09 ; IC95 [0,99, 1,20]). Un faible poids à la naissance cliniquement défini (< 2 500 g) a donné lieu à des associations plus fortes.

Malgré un âge plus jeune au moment du diagnostic et un nombre moins élevé de personnes souffrant d’obésité et d’antécédents familiaux de DT2, un PDN < 3 000 g était donc associé à davantage de comorbidités, une PAS supérieure, ainsi que plus de besoins de médicaments chez les personnes atteintes d’un DT2 récemment diagnostiqué.

- Effets de la chimiothérapie sur la fertilité féminine (5)

Les chimiothérapies utilisées pour traiter les différents types de cancers peuvent être responsables d’une déplétion précoce de la réserve ovarienne, qui peut conduire à une infertilité chez les jeunes femmes en âge de procréer. Afin de palier à cet effet secondaire, plusieurs techniques de préservation de la fertilité féminine ont été développées, comme la cryopréservation d’ovocytes ou d’embryons avec ou sans stimulation hormonale préalable, ou la cryopréservation de tissu ovarien. Cependant, dans certaines situations cliniques, ces différentes méthodes peuvent être difficiles à réaliser. Par ailleurs, l’utilisation ultérieure des gamètes cryoconservés reste incertaine et ne présente pas une garantie de grossesse ultérieure.

Une meilleure connaissance des mécanismes moléculaires et des voies de signalisation impliquées dans la toxicité ovarienne induite par la chimiothérapie est donc nécessaire pour développer de nouvelles stratégies de préservation de la fertilité. Les effets de diverses chimiothérapies ont été étudiés dans des modèles animaux ou in vitro sur des cultures d’ovaires, et ont permis de proposer différents mécanismes de gonadotoxicité. Aujourd’hui, le défi est de développer des molécules et des techniques susceptibles de limiter l’impact négatif de la chimiothérapie sur les ovaires. Dans cette revue, les différentes théories concernant les dommages ovariens induits par la chimiothérapie sont énumérées et les approches émergentes pour la protection des ovaires expliquées.

Professeur Émérite, Université Grenoble-Alpes

(1) Vermot-Desroches V et al. Prognostic factors for significant 6-month recovery in dysthyroid optic neuropathy in a tertiary center: A series of 69 eyes in 38 patients. Ann Endocrinol (Paris). 2023;84:430-439

doi: 10.1016/j.ando.2023.04.002 

(2) Rastogi A et al. Topical Esmolol Hydrochloride as a Novel Treatment Modality for Diabetic Foot Ulcers: A Phase 3 Randomized Clinical Trial. JAMA Netw Open. 2023 May 1;6(5):e2311509

doi:10.1001jamanetworkopen.2023.11509 

(3) Wibaek R, et al. Low birthweight is associated with a higher incidence of type 2 diabetes over two decades independent of adult BMI and genetic predisposition. Diabetologia. 2023Sep;66(9):1669-1679

doi: 10.1007/s00125-023-05937-0

(4) Hansen AL, et al Birthweight is associated with clinical characteristics in people with recently diagnosed type 2 diabetes. Diabetologia. 2023 Sep;66(9):1680-1692

doi:10.1007/s00125-023-05936-1 

(5) Sellami I, Beau I, Sonigo C. Chemotherapy and female fertility. AnnEndocrinol (Paris). 2023 May;84(3):382-387

doi: 10.1016/j.ando.2023.03.013

Pr Serge Halimi

Source : lequotidiendumedecin.fr