La rectocolite hémorragique (RCH), qui fait partie avec la maladie de Crohn des maladies inflammatoires chroniques intestinales (Mici), affecte exclusivement l'extrémité distale du tube digestif, rectum et côlon. Elle évolue généralement par poussées, dont la répétition aggrave les lésions et augmente le risque de complications.
La maladie peut débuter à tout âge avec un pic de fréquence entre 15 et 35 ans. La localisation peut aller d’une rectite à une pancolite. Les biothérapies ont transformé le pronostic de la RCH mais 10 % des malades devront subir une colectomie.
Le diagnostic doit être envisagé lorsque les symptômes (rectorragies, diarrhée, syndrome rectal, incontinence fécale, envies défécatoires urgentes, voire selles nocturnes, fatigue) évoluent depuis au moins six semaines. Si le tabagisme aggrave la maladie de Crohn, il protège contre la RCH : à évoquer en cas de sevrage récent.
La coloscopie est indispensable au diagnostic. Faute d’élément pathognomonique, il est nécessaire d’éliminer une autre cause, en particulier infectieuse, médicamenteuse ou ischémique. Des formes sévères, appelées colites aiguës graves, peuvent potentiellement mettre en jeu le pronostic vital en l’absence de prise en charge médico-chirurgicale adaptée.
Un tiers des malades ont des signes extradigestifs : articulaires, oculaires (uvéites et épisclérites), cutanés, des voies biliaires (cholangite sclérosante primitive). L’association à d’autres maladies inflammatoires (spondylarthropathies, psoriasis, sclérose en plaques) est plus fréquente que dans la population générale.
La RCH a un impact majeur sur la qualité de vie des patients.
Les questions à se poser
1. Confirmer la RCH et évaluer son activité : coloscopie, bilan biologique, échographie.
La réalisation de biopsies étagées est indispensable. Entre 20 à 50 % des rectites et des colites gauches progressent en colite plus étendue.
Les paramètres biologiques permettent de grader l’activité de la RCH : hémogramme, CRP (même si normale chez 70 % des patients en poussée), bilan hydroélectrolytique, hépatique et martial, et albuminémie. Le dosage de la calprotectine fécale (non remboursé) est un bon indicateur de poussée.
L’échographie permet des évaluations répétées non invasives, tous les trois mois en période d’activité et tous les six mois en rémission.
2. Rechercher une atteinte extradigestive rhumatismale.
Atteintes axiales (douleurs rachidiennes et/ou fessières), arthralgies périphériques dans le cadre d’une spondylarthropathie ou pas.
3. Rechercher une atteinte ophtalmologique : épisclérites (généralement synchrones de l’activité de la RCH) ou uvéites (généralement asynchrones).
Ce qu’il faut faire
1. Informer pour améliorer la qualité de vie : gestion des crises, du stress, des troubles du sommeil et des facteurs déclenchants. Une alimentation de type méditerranéenne, pauvre en aliments transformés, en viande rouge et en alcool, la pratique régulière d’une activité physique sont à conseiller.
2 Soulager les symptômes.
L’objectif thérapeutique est la cicatrisation muqueuse endoscopique, voire histologique et l’absence de symptômes. Antidiarrhéiques (lopéramide) et antispasmodiques sont proposés pendant les poussées. Un régime sans résidu est proposé exclusivement au cours des poussées.
En cas de manifestations rhumatologiques, les anti-inflammatoires non stéroïdiens sont à éviter.
Dans la RCH légère à modérée, le médicament de première intention est la mésalazine (acide 5-aminosalicylique ou 5-ASA), quelle que soit la voie d’administration (orale + lavement en induction puis orale seule en entretien). Dans les formes rectales, les suppositoires sont les plus efficaces en induction et en entretien. En cas d’échec, une corticothérapie sera prescrite sur une durée la plus courte possible, pendant trois à quatre semaines.
Dans la RCH modérée à sévère, le traitement repose de moins en moins sur les immunosuppresseurs (thiopurines) au profit des biothérapies (anti-TNF, anti-IL12/IL23, anti-intégrine comme le védolizumab) et des anti-JAK (tofacitinib, filgotinib, upadacitinib). Un allègement thérapeutique ne pourra être discuté qu’en cas de rémission profonde prolongée avec maintien au minimum du 5-ASA oral.
3. Repérer les complications.
Une diarrhée sanglante accompagnée de fièvre, de tachycardie, d’anémie, d’hypoalbuminémie ou d’altération de l’état général justifie une évaluation médico-chirurgicale spécialisée (risque de colite aiguë grave). Environ 10 % des patients ont une poussée sévère au cours de leur vie.
4. Fréquence des coloscopies de dépistage selon le risque néoplasique.
Une coloscopie annuelle est recommandée en cas d’antécédent de dysplasie, de sténose colique, de cholangite sclérosante primitive (risque maximal). Pour les autres patients, les coloscopies de dépistage seront proposées huit ans après le diagnostic puis tous les deux à cinq ans.
Ce qu’il faut retenir
- L’objectif thérapeutique est la cicatrisation endoscopique des lésions avec absence de symptômes et de handicap.
- Le dosage de la calprotectine fécale et l’échographie permettent un monitoring serré non invasif.
- Un suivi au long cours par un gastroentérologue est indispensable du fait du risque de cancer colorectal
D’après un entretien avec le Pr Mathurin Fumery (CHU Amiens)
Pour en savoir plus : Groupe d’études thérapeutiques des affections inflammatoires du tube digestif (GETAID). Recommandations 2022.
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024
La myologie, vers une nouvelle spécialité transversale ?