LE DÉVELOPPEMENT de nouveaux médicaments passe par l’utilisation appropriée de marqueurs biologiques de la maladie, sensibles, fiables et si possible prédictifs. « Les biomarqueurs sont d’un apport considérable dans le développement préclinique des médicaments (biomarqueurs cellulaires et biomarqueurs chez l’animal). Ils permettent d’accélérer le screening de milliers de composés. Ensuite, ils sont d’un apport majeur en phase I et IIa et incontournables dans les phases IIb et III », explique le Pr Laurent Becquemont (pharmacologie clinique, Faculté de médecine Paris Sud).
Les biomarqueurs sont des témoins biologiques, indicateurs d’un processus physiologique, pathologique ou de l’action d’un médicament. Ils permettent d’apprécier l’évolution d’une maladie ou l’efficacité d’un traitement, d’accélérer le processus de développement d’un médicament et d’éliminer de façon fiable et précoce les mauvais candidats médicaments.
Un des plus simples biomarqueurs est le cholestérol, qui permet notamment un accès rapide à la preuve de concept d’action du médicament (phase I et IIa). « Dans les essais sur les statines, la diminution du LDL cholestérol est un critère essentiel. Et pourtant, in fine, en 2008 dans les grandes études de morbimortalité cardiovasculaire, il est apparu que trois molécules en fin de phase III ne présentaient aucun avantage, voir même augmentaient la mortalité. C’est un exemple qui montre bien que le biomarqueur d’efficacité permet de prédire la réponse souhaitée, mais ne prédit en rien le risque lorsqu’il se trouve confronté aux essais cliniques de morbimortalité », souligne le Pr Laurent Becquemont.
Des biomarqueurs de risque.
Il existe cependant des biomarqueurs de risque, prédictif de la toxicité d’un médicament et qui aident à l’identification de sujets à risque d’événements indésirables et à la personnalisation de la dose.
« Par exemple, l’abacavir, un inhibiteur de la transcriptase inverse du VIH, peut provoquer dans 7 % des cas une réaction immunoallergique grave dans les douze premières semaines de traitement. Cette réaction se produit chez les porteurs du gène HLA-B (type 5701). Un test génétique HLA –B (5701) de toxicité immunoallergique à l’abacavir a été mis au point et il devrait être réalisé avant la mise en route du traitement », explique le Pr Laurent Becquemont. « De même, un syndrome de Stevens-Jonhson peut apparaître chez des patients porteurs d’une modification HLA spécifique avec la carbamazépine et l’allopurinol. »
Pour définir les répondeurs.
Les biomarqueurs sont également une aide à la définition de la population répondeuse et non répondeuse. « C’est un véritable changement de paradigme bien instauré en oncologie », déclare le Pr Laurent Becquemont. Dans le cancer du sein, par exemple, il y a tout d’abord eu, comme marqueurs, les récepteurs aux estrogènes qui ont donné naissance aux anti-estrogènes (Nolvadex, Tamoxifène…). Puis, la découverte de l’association de la surexpression du gène qui code la protéine HER 2 avec un pronostic défavorable d’évolution du cancer du sein a conduit au concept de l’inhibition du récepteur HER2 par un anticorps monoclonal recombinant (Herceptine).
Un autre exemple dans le cancer du colon, est donné par le cetuximab (Erbitux), un anticorps monoclonal antagoniste EGFR qui agit sur les tumeurs n’ayant pas de mutation K-RAS (biomarqueur de réponse). « C’est le début de la médecine personnalisée. L’industrie pharmaceutique, autrefois à la recherche de blockbuster (médicament efficace à grande échelle) est aujourd’hui en train de changer son approche avec des médicaments de plus en plus ciblés… » Glivec, inhibiteur de tyrosine kinase, dans la leucémie myéloïde chronique, en est un bon exemple. Il agit en bloquant l’activité anormale du gène BCR-Abelson. Mais au bout de quelques mois, on peut observer un échappement à Glivec, une sorte de résistance à Glivec, avec l’apparition de mutations génétiques dans les cellules tumorales. De nouvelles générations d’inhibiteurs ont été développées en utilisant ces marqueurs génétiques afin de retrouver l’efficacité anti-tumorale.
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