L'atteinte ganglionnaire dans les cancers est un facteur prédictif établi du risque de dissémination métastatique. Pour autant, les métastases proviennent-elles forcément d'un relais ganglionnaire ?
Selon une étude américaine du Massachusetts General Hospital (MGH) publiée dans « Science », les métastases à distance dans le cancer colorectal peuvent provenir directement du primitif, indépendamment de l'atteinte lymphatique.
À l'aide de 213 échantillons tumoraux (primitif, ganglion, métastase) de 17 patients ayant un cancer colorectal métastatique, les chercheurs dirigés par Kamila Naxerova ont observé que dans 65 % des cas, les métastases lymphatiques et à distance proviennent de sous-clones indépendants issus du primitif. Seulement dans 35 % des cas que les métastases proviennent d'un sous-clone commun.
Deux mécanismes de métastase
Pour les auteurs, il existerait bel et bien deux voies de dissémination métastatique dans le cancer colorectal. Jusqu'à présent, la question était ouverte et, comme le soulignent les auteurs, il n'était pas clair « si un seul sous-clone métastatique évolue au sein du primitif, pour ensuite se propager vers les ganglions et sites à distances, ou si de multiples sous-clones du primitif envoient de façon indépendante des métastases lymphatiques et à distance ».
Pour Kamila Narexova du département de radiologie du MGH : « Nos résultats apportent pour la première fois une preuve chez l'homme que le modèle vieux de 100 ans affirmant "les métastases ganglionnaires sont les précurseurs des métastases à distance" ne s'applique pas à l'ensemble ou du moins pas à la plupart des cancers colorectaux. Ces découvertes comblent un vide important dans notre connaissance de l'évolution de la maladie métastatique et peuvent potentiellement améliorer la prise en charge de l'atteinte ganglionnaire ».
Pour leur analyse de l'évolution entre primitif, ganglions et métastases à distance, les scientifiques ont reconstruit l'arbre phylogénétique à l'aide de variants somatiques dans des régions hypermutables de l'ADN (poly-G typing).
Alors que le foie est la localisation secondaire préférentielle du cancer colorectal, - les 17 patients avaient dans l'étude des atteintes hépatiques, avec 1 cas d'atteinte ovarienne et 1 cas d'atteinte péritonéale -, les auteurs émettent l'hypothèse d'une dissémination hématogène via la veine porte. Pour d'autres localisations métastatiques, par exemple pulmonaires, l'anatomie expliquerait que la dissémination soit lymphatique.
Des conséquences cliniques... ou pas
Dans un éditorial, le cancérologue Sanford Markowitz à Cleveland fait remarquer que les voies de dissémination métastatique sont vraisemblablement différentes selon le type de cancer et le tissu d'origine. Alors que le cancer colorectal métastase rapidement, avec peu voire pas de nouvelles mutations, « les métastases des cancers du pancréas et du rein présentent une grande diversité de mutations, et/ou une évolution des mutations somatiques au sein même des sites métastatiques », détaille-t-il, avant de citer la dormance tumorale et les rechutes à long terme dans les cancers du sein.
Dans le cancer colorectal, Kamila Naxerova ajoute : « Les métastases ganglionnaires pourraient simplement être un indicateur de la présence d'une tumeur primitive agressive, plutôt qu'être directement responsables de la formation de métastases à distance. Désormais il nous faut chercher à savoir si le pronostic en cas de métastases ganglionnaires et à distance d'origine commune est différent en cas de métastases d'origine distincte ».
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