Test prénatal non invasif de la trisomie 21

Pour dépister aussi des formes précoces de cancer

Publié le 08/06/2015
Article réservé aux abonnés
L'ADN circulant de 6 000 femmes enceintes analysé

L'ADN circulant de 6 000 femmes enceintes analysé
Crédit photo : PHANIE

Selon des résultats communiqués ce week-end lors de la conférence annuelle de la société européenne de génétique humaine, qui s’est tenue vendredi et samedi dernier à Glasgow, le test prénatal non invasif de la trisomie 21 (TGNI) pourrait également dépister les cancers maternels à un stade précoce.

Lors d’une présentation orale, le Dr Nathalie Brison, du centre de génétique humaine de l’université de Louvain, en Belgique a expliqué que cette découverte était le fruit du hasard. Avec son équipe, elle cherchait en effet à améliorer la fiabilité du TGNI, et à l’adapter pour qu’il soit également en mesure de dépister les trisomies 18 et 13. Lors d’un essai mené sur 6 000 femmes enceintes, les chercheurs ont identifié des anomalies génétiques dans l’ADN circulant de trois femmes qui ne correspondaient ni au profil génétique de la mère, ni à celui de l’enfant. « Nous avons réalisé que ces anomalies ressemblaient à celles que l’on trouve dans certaines tumeurs », raconte le Dr Brison.

Une patiente traitée au cours de sa grossesse

Des examens complémentaires ont révélé que ces trois femmes souffraient chacune d’un cancer différent. La première présentait un carcinome ovarien bilatéral, la seconde un lymphome folliculaire et la troisième un lymphome de Hodgkin. Le lymphome folliculaire ayant une croissance très lente, il a été décidé de ne pas le traiter avant plusieurs années d’évolution. Les deux autres patientes ont entamé une chimiothérapie. La patiente ayant un lymphome de Hodgkin de stade II, selon la classification de Ann Arbor, a été traitée pendant sa grossesse, qui s’est d’ailleurs correctement déroulée. Chez les deux patientes traitées, le TGNI présentait l’avantage de fournir assez tôt le profil génomique de la tumeur.

S’il n’est pas possible de préjuger de la sensibilité du TGNI pour détecter un cancer, les auteurs notent que la fréquence de ceux retrouvés dans leur échantillonage est cohérente avec celle estimée en population générale pour ces types de cancer : de l’ordre d’une sur 1 000 à 2 000 personnes, chez les femmes de 20 à 40 ans.

Des arguments pour le débat en cours

Les premiers symptômes de ses pathologies, nausées, fatigue, douleurs abdominales, saignements vaginaux, peuvent passer inaperçus au cours d’une grossesse. « Compte tenu du très mauvais pronostic de ces cancers quand ils sont diagnostiqués tardivement, ces résultats constituent un énorme argument en faveur du TGNI », commente le Pr Joris Vermeesch, directeur du laboratoire de recherche en cytogénétique et génomique de Louvain qui a dirigé les travaux. « Ces résultats apportent des éléments au débat éthique quant à la nécessité de signaler les découvertes fortuites après ce type d’examen. Cela aura aussi des répercussions sur la décision des pays quant au remboursement et à la généralisation du TGNI », ajoute-t-il.

En France, la Haute Autorité de santé (HAS) doit émettre des recommandations concernant l’utilisation du TGNI, dont la rédaction est encore suspendue à un rapport qui paraîtra cet été. L’instance attend notamment les résultats d’une étude française, intitulée SAFE 21, destinée à évaluer l’utilité clinique en pratique courante et l’impact médicoéconomique de ce dépistage génétique prénatal.

Ces résultats ont été publiés en simultané dans le JAMA Oncology, le 5 juin 2015.
Damien Coulomb

Source : Le Quotidien du Médecin: 9418