Alors que les mécanismes à l’œuvre dans le Covid long restent mal compris, une équipe de chercheurs de l’Institut Pasteur, du CNRS et de l’Inserm, en collaboration avec des cliniciens de l’AP-HP, apporte un nouvel éclairage.
Dans « Frontiers in Immunology », ils montrent « qu’il existe plusieurs types de Covid long, caractérisés soit par une réponse antivirale insuffisante, soit par une réponse antivirale excessive », explique, dans un communiqué, Lisa Chakrabarti, chercheuse au sein de l’unité « Virus et immunité » de l’Institut Pasteur, dernière autrice.
Pour caractériser les réponses humorales et des lymphocytes T CD4 + (avant la vaccination contre le Sars-CoV-2), les chercheurs ont analysé les données de 28 patients atteints de Covid long séropositifs et de 23 patients aux symptômes similaires mais séronégatifs (test ELISA). Ces patients ont été recrutés sur la base « d'une infection initiale par le Sars-CoV-2 documentée par PCR ou par la conjonction de trois signes majeurs du Covid-19 » et « la persistance ou la résurgence d’au moins 3 symptômes depuis plus de 3 mois », expliquent les auteurs. Ces patients ont été comparés à des patients Covid aux symptômes résolus (n = 29) et à des individus témoins non infectés (n = 29).
Des symptômes persistants similaires, mais plus nombreux chez les séronégatifs
Il ressort d’abord de l’analyse que les symptômes persistants étaient similaires dans les deux groupes de patients souffrant de Covid long, avec néanmoins « une tendance à un nombre plus élevé de symptômes dans le groupe séronégatif (médiane à 6 contre 4,5) », est-il relevé.
Ensuite, le groupe séropositif a montré des réponses cellulaires et humorales bien coordonnées contre le Sars-CoV-2, « avec des niveaux de lymphocytes T CD4 + spécifiques et d'anticorps au moins aussi élevés que ceux des patients guéris ». À l’inverse, le groupe séronégatif a présenté des réponses antivirales « globalement faibles, avec des lymphocytes T CD4 + spécifiques détectables et/ou des anticorps chez seulement la moitié des patients », poursuivent les auteurs.
Chez une partie de ces patients séronégatifs par le test ELISA (27,7 %), l’utilisation d'un test immunologique hautement sensible (test d’anticorps S-flow et test de lignée cellulaire T CD4 + primaire) a permis la détection de faibles niveaux d'IgG spécifiques à la Spike du Sars-CoV-2. « La combinaison de cette évaluation immunologique avec les tests PCR et l’évaluation clinique a permis de documenter une infection probable par le Sars-CoV-2 chez plus de 80 % de ces patients », indiquent les auteurs. Et de souligner qu’ils ne peuvent « entièrement exclure d’autres causes de symptômes persistants, telles que des causes somatiques ou un syndrome post-infectieux non lié à l’agent pathogène ».
Ces réponses antivirales atténuées pourraient être « insuffisantes pour éliminer le virus et favoriser un certain degré de persistance virale », elle-même « à l’origine de lésions tissulaires continues et de symptômes prolongés », avancent les auteurs. À cet égard, ils relèvent la survenue plus fréquente d’épisodes de fièvre dans le groupe séronégatif (34,78 % versus 3,57 % chez les séropositifs), « seule différence notable dans les symptômes entre les deux groupes Covid longs ».
La piste de réponses virales sélectivement déficientes chez les séronégatifs
Par ailleurs, des analyses d'anticorps contre 30 antigènes viraux différents ont montré que les patients souffrant de Covid long avaient des réponses défectueuses à toutes les protéines du Sars-CoV-2 testées, mais avaient, dans la plupart des cas, conservé des réponses à d'autres virus. « Les titres d’anticorps contre divers autres antigènes viraux dérivés des adénovirus ou des virus de la grippe, de la rougeole et de la rubéole ne différaient pas entre les trois groupes de patients », est-il précisé. Seule exception, les anticorps contre l’antigène viral des oreillons étaient significativement plus faibles chez les patients séronégatifs que dans les deux autres groupes.
Ce résultat soulève la possibilité « de réponses sélectivement déficientes à des virus particuliers dans les cas de Covid long séronégatifs », poursuivent les auteurs, tout en notant une « forte propension » à l’allergie chez les patients Covid long. Des antécédents d’allergie ont été recensés chez 50 % ou plus des patients des deux groupes Covid long, contre 20 % dans le groupe des patients guéris.
Pris ensemble, ces résultats montrent la coexistence de réponses immunitaires divergentes dans le Covid long, soulevant la possibilité « d’étiologies multiples, avec des symptômes persistants rendus possibles par une réponse antivirale déficiente chez les patients séronégatifs et par des mécanismes immunopathogènes qui restent à définir chez les patients séropositifs », résument les auteurs.
Leurs travaux mettent également en évidence l’intérêt de tests immunologiques très sensibles pour documenter une infection antérieure chez les individus séronégatifs, mais aussi la nécessité d’inclure ces patients dans les essais cliniques et les études physiopathologiques.
L'exclusion des travaux de recherche jusque-là a pu limiter la « compréhension de la pathogenèse du Covid long », soulignent-ils, regrettant que les patients sans infection documentée puissent rencontrer des difficultés à faire reconnaître et traiter leur maladie. « Cela représente une préoccupation de santé publique, jugent-ils, car la gravité clinique de la forme séronégative du Covid long semble aussi élevée, voire supérieure, à celle de la forme séropositive, avec un nombre plus élevé de symptômes persistants enregistrés dans la présente étude ».
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