En 2016, le Pr Jordi Bruix de l'institut d'investigation biomédicale de Barcelone et son équipe avaient fait état d'une augmentation de la fréquence de récurrence d'un cancer hépatocellulaire après un traitement oral sans interferon.
Ces résultats avaient entraîné une extension de la réévaluation des nouveaux antiviraux à action directe (AAD) par l'agence européenne du médicament (EMA), qui examinait déjà le risque de réactivation de l'hépatite B. À l'occasion du congrès de la société européenne d'étude du foie (EASL) qui s'est tenu du 20 au 22 avril, les chercheurs espagnols ont persisté. Ils ont présenté les résultats d'une cohorte de 77 patients, ayant un antécédent d'hépatocarcinome, traités par résection, et dont l'infection par le virus de l'hépatite C (VHC) a été traitée avec succès grâce aux nouveaux traitements oraux. Le taux de rechute s'élevait à 31 %, et celui de décès à 6,5 % pendant l'année de suivi. Un tiers seulement de ces nouveaux cancers ont pu être réséqués, les autres ont bénéficié de soins palliatifs.
Des résultats contradictoires
Ces scientifiques sont toutefois isolés dans leurs conclusions, puisque les autres études sur le sujet présenté en ouverture du congrès semblent indiquer que le risque d'hépatocarcinome n'est pas influencé par le choix du traitement mais par les caractéristiques du patient.
Ainsi, les résultats de la cohorte française ANRS CO12 CirVir (1 200 patients dont 14 % ont développé un carcinome hépatocellulaire) présentés par le Dr Étienne Audureau (CHU Henry Mondor) montrent que le facteur de risque principal est l'échec du traitement. Viennent ensuite l'âge supérieur à 50 ans, des antécédents de consommation excessive d'alcool, un faible taux de plaquettes, et de forts taux d'alpha-foetoprotéine et de gamma GT.
Des patients plus sévères
L'équipe du Dr Hamish Innes, de l'école de santé et des sciences de la vie de Glasgow a, quant à elle, montré que le surrisque 48 % de cancer des patients sous antiviraux oraux observé dans leur cohorte de 857 patients s'expliquait par le plus mauvais état de santé des patients à l'initiation du traitement. Une fois ajusté pour les facteurs de risque, le risque de cancer est le même, quel que soit le traitement. Les patients qui recevaient un traitement sans interféron souffraient de pathologies hépatiques plus avancées (30,4 % de score de Child-Turcotte-Pugh B ou supérieur contre 9,4 % chez les patients sous interféron), présentaient aussi plus fréquemment une thrombocytopénie (39,3 % contre 22,1 %) et avaient connu davantage d'échecs de traitement.
Les mécanismes expliquant le surrisque de cancer ont été disséqués dans une étude INSERM menée par Frank Jühling, de l'université de Strasbourg. Lors d'expériences in vitro menées sur des hépatocytes, ils ont montré que l'élimination du virus n'élimine pas les changements épigénétiques induits par le VHC. Ces changements expriment leur potentiel carcinogène une fois disparue l'inflammation propre à l’état d'infection chronique.
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