Les patients hospitalisés en soins intensifs pour une infection par le Sars-CoV-2 ont un risque accru de 31 % de recevoir un diagnostic de cancer dans les mois suivants, par rapport à des témoins qui n'ont pas été hospitalisés pour Covid. C'est ce que montre une étude franco-suisse, menée par Epi-Phare (groupement d'intérêt scientifique constitué par l'Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé – ANSM - et la Caisse nationale d’assurance-maladie - Cnam), l’Institut de santé globale de Genève et l’université de Genève.
Publiée dans « Scientific Reports », cette analyse ne permet pas d’établir un « effet causal » entre infection grave et cancer, mais elle suggère qu’une infection sévère « pourrait représenter un marqueur de cancer non diagnostiqué, explique le Pr Mahmoud Zureik, directeur d’Epi-Phare. L’état d’immunodépression peut peut-être cacher un cancer sous-jacent pas encore détecté ».
Une association plus marquée chez les femmes
L’étude a été menée à partir des données du Système national des données de santé (SNDS) sur 41 302 personnes hospitalisées en unité de soins intensifs en raison du Sars-CoV-2 (groupe ICU) entre le 15 février 2020 et le 31 août 2021, et 713 670 personnes témoins non hospitalisées pour Covid (groupe contrôle). Les patients ont été appariés selon l’âge, le sexe et le département de résidence.
Dans le groupe ICU, 2,2 % des patients ont reçu un diagnostic de cancer dans les mois suivants (168 jours en moyenne), contre 1,5 % (dans les 200 jours en moyenne) dans le groupe contrôle (aHR = 1,31).
L'association était plus forte en limitant la période de suivi aux trois premiers mois (aHR = 1,65, contre 1,21 pour un suivi plus long), et chez les femmes (aHR = 1,69, contre 1,20 chez les hommes), mais aussi chez les moins de 60 ans (aHR = 1,78, contre 1,22 chez les plus de 60 ans). « L’association la plus forte a été trouvée chez les femmes de moins de 60 ans (aHR = 2,15) », est-il relevé.
Les auteurs ont également cherché à minimiser le biais de détection potentiel associé au groupe de patients hospitalisés, soumis à plus d’examens que le groupe contrôle. En prenant en compte un suivi uniquement à partir de la sortie de l'hôpital, le risque d'être diagnostiqué d'un cancer est accru de 17 %, confirmant la tendance.
Amplifier le suivi des patients hospitalisés
Concernant les sites de cancer, un risque significativement plus élevé est observé pour les cancers rénaux (aHR = 3,16), hématologiques (aHR = 2,54), du côlon (aHR = 1,72) et du poumon (aHR = 1,70). « S'il peut être plus intuitif de comprendre pourquoi certains types de cancers hématologiques peuvent avoir un impact sur le système immunitaire, il peut être plus difficile de comprendre le lien entre le cancer du rein ou du côlon et une fragilité plus élevée à l'infection par le Sars-Cov-2, notent les auteurs. Néanmoins, certaines études récentes ont déjà confirmé le dysfonctionnement immunitaire associé aux cancers du rein et du côlon, ainsi que le fait que tout type de cancer peut favoriser un dysfonctionnement immunitaire. »
Si le Pr Zureik juge « prématuré » de tirer de ces résultats une recommandation en faveur d’un dépistage plus systématique des cancers chez ces patients, il invite à une surveillance plus poussée. « Les patients qui sortent de réanimation ou de soins intensifs après un Covid sévère ont déjà un risque accru de mortalité. Il est donc utile de les surveiller, d’autant qu’ils sont exposés à des séquelles, notamment pulmonaires », souligne-t-il.
Pour compléter ce travail, l’équipe franco-suisse va prolonger le suivi de ces patients pour étudier l’évolution de la relation observée. « D’autres recherches sont également à mener pour mieux préciser les localisations de cancer concernées et pour mettre en relation le trio immunodépression, Covid et maladies liées à l’immunodépression, dont les cancers », indique le Pr Zureik.
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