Le Pr Dominique Choudat, qui dirige le service de pathologies professionnelles à l’hôpital Cochin s’apprête à fusionner d’ici quelques semaines avec le service de l’Hôtel-Dieu pour mieux répondre aux dizaines d’appels de confrères chaque jour.
Seuls 32 services de pathologies professionnelles existent dans les hôpitaux en France. Les médecins du travail font systématiquement appel à eux en cas de doute, pour confirmer ou non une aptitude et être guidés si le doute persiste quand il est question d’établir un lien entre la pathologie d’un patient et son activité professionnelle. « La moitié des appels que nous recevons chaque jour viennent de médecins du travail qui jouent des coudes à pour décrocher des rendez-vous pour leurs salariés. Lesquels doivent, en moyenne, patienter trois mois pour obtenir un rendez-vous dans notre service. Ce n’est pas simple à gérer, car ces médecins du travail ont souvent besoin de donner eux-mêmes une réponse rapide sur un problème d’aptitude, face à un salarié qui peut être menacé de perdre son emploi », déplore le Pr Choudat. Une pression à laquelle il attache d’autant plus d’importance que les médecins du travail ne sont plus les seuls à se tourner vers l’hôpital pour une expertise en matière de pathologies professionnelles.
Place à l’investigation
De plus en plus de médecins généralistes et de patients ont aussi ce déclic. Établir un lien entre santé et travail est une tâche minutieuse. « C’est un travail d’enquête sur l’environnement du salarié qui nous conduit à rechercher les symptômes au sein des différents membres d’une équipe ou de salariés réunis sur un même site. La consultation en elle-même est longue, et les questions nombreuses », explique Dominique Choudat qui insiste sur la rigueur de cette approche scientifique.
Ses travaux le conduisent à observer les conséquences sur la santé de la pression économique. « Nous rendons un avis dès qu’une question se pose sur la probabilité d’un lien entre la santé et le milieu du travail présent ou passé, insiste ce « patron » qui travaille en étroite collaboration avec les autres services de l’hôpital. Les pneumologues, dermatologues, mais aussi cardiologues n’hésitent plus à se tourner vers nous lorsque l’incidence du travail sur l’état de santé de leurs patients les interpelle. »
À l’écoute dans les services
« Les malades trouvent souvent le temps long à l’hôpital et parlent de leur vie, de ce qu’ils sont heureux d’avoir accompli, des expériences professionnelles dont ils sont fiers. Des informations qui parfois permettent de comprendre beaucoup plus précisément pourquoi ils se retrouvent aujourd’hui dans ce lit d’hôpital », constate Dominique Choudat. Les internes de ces services en pathologies professionnelles exercent un regard clinique pour comprendre ce qui s’est passé et à quels risques les patients ont pu être exposés sans le savoir.
Mais cette spécialité ouvre bien d’autres perspectives à travers une recherche assidue de solutions pour ces patients victimes de leur travail. « Nous sommes les seuls à connaître précisément les démarches à effectuer pour permettre aux patients de faire reconnaître ce lien vis-à-vis de leurs employeurs et de la société, lorsqu’aucun doute ne persiste. Un pneumologue qui nous adresse un patient dont la pathologie peut avoir un lien avec l’amiante a parfaitement été pris en charge sur le plan thérapeutique, mais ensuite nous prenons les choses en main. Nous engageons les discussions, expliquons les différentes options, les choix et les démarches concrètes qui peuvent être entreprises », poursuit le Pr Choudat qui enseigne la seule spécialité médicale devenue experte en gestion des responsabilités.
Une approche nouvelle qui attire les confrères. Anesthésistes et réanimateurs, médecins de santé publique et médecins généralistes sont de plus en plus nombreux à se qualifier pour donner une nouvelle impulsion à leur carrière. Fin mai, le Pr Choudat a reçu 94 candidatures de confrères prêts à se réorienter.
La santé au travail est un domaine en renouvellement permanent et ces services de pathologies professionnelles accueillent de nouveaux problèmes à résoudre : « Nous ne sommes plus exclusivement tournés vers les conséquences du travail sur la santé. La question de l’orientation professionnelle des jeunes qui ont un problème de santé ou vivent avec un handicap impose cette réflexion préalable. Il y a certains métiers à éviter et leur médecin généraliste les oriente vers nous. Ces échanges permettent de les guider et surtout de ne pas les mettre en difficulté. »
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